Actu

Contrôle Urssaf : l'agent peut-il demander des documents directement aux salariés ?

Dans un arrêt du 28 septembre, la Cour de cassation énonce très clairement, pour la première fois à notre connaissance, que le fait de demander des documents directement à un salarié de l’entreprise, sans autorisation de l’employeur pour ce faire, entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent.

Contrôle Urssaf : l'agent peut-il demander des documents directement aux salariés ?
Une autorisation expresse de l’employeur semble nécessaire pour que la communication d’un document par le salarié soit régulière. © Getty Images

Dans le cadre d’un contrôle, l’agent de l’Urssaf peut demander à l’employeur tous les documents et éléments nécessaires à sa mission et solliciter, le cas échéant, la communication d’éléments complémentaires.

L’agent de contrôle doit s’adresser à l’employeur ou à son représentant légal. Sous peine de nullité du contrôle et du redressement consécutif, il ne peut pas rechercher lui-même ces documents (arrêt du 5 décembre 1991) ni les demander à un tiers sans les avoir préalablement demandés à l’employeur (arrêt du 20 mars 2008, arrêt du 31 mars 2016, arrêt du 7 juillet 2022), même si le contrôle conduit au constat d’une infraction de travail dissimulé (arrêt du 22 octobre 2020).

Le Guide du Chef d'entreprise 2024
Passez à l’action :

Le Guide du Chef d'entreprise 2024

L’interdiction vaut aussi pour les salariés de l’entreprise contrôlée

Si l’agent de contrôle ne peut pas solliciter les tiers à l’entreprise, peut-il néanmoins demander aux salariés de celle-ci la communication des documents nécessaires au contrôle ? Telle était ici la question soumise à la Cour de cassation.

En l’espèce, une inspectrice du recouvrement a, au cours du contrôle, demandé à une salariée affectée au service comptable de l’entreprise un tableau portant sur l’application de la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires (réduction générale de cotisations) pour certains salariés de l’entreprise en 2011, 2012 et 2013. Les juges du fond ont déclaré nuls la procédure de contrôle et le redressement fondé sur ce document dans la mesure où l’Urssaf n’établissait pas que la salariée avait reçu une autorisation de l’employeur pour répondre à la demande de l’inspectrice et où le tableau n’était pas mentionné dans la lettre d’observations.

Dans son arrêt du 28 septembre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’Urssaf contre l’arrêt d’appel. Elle tranche ainsi pour une application stricte de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale en refusant à l’agent de contrôle le droit de se faire communiquer des documents par un salarié qui n’aurait pas reçu de délégation à cet effet.
Elle fonde sa décision sur les deux principes suivants, résultant tous deux de l’article R. 243-59 du CSS : l’agent de contrôle ne peut pas demander de documents à un salarié n’ayant pas reçu délégation de l’employeur et la lettre d’observations doit lister les documents consultés au cours du contrôle.

Dans son pourvoi, l’Urssaf soutenait que les salariés ne sont pas des tiers à l’entreprise contrôlée et que ses agents peuvent les solliciter pour la communication de documents. Il est vrai que les agents de contrôle peuvent interroger les salariés de l’entreprise sur les lieux de travail (article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, II-al. 4). Néanmoins, les dispositions de l’article R. 243-59 de ce code distinguent ce droit d’audition des salariés du droit de communication de documents qui ne s’exerce qu’à l’égard de la personne contrôlée et donc de l’employeur ou de son représentant légal.

À notre avis, une autorisation expresse de l’employeur semble nécessaire pour que la communication d’un document par le salarié soit régulière. Dans son pourvoi, l’Urssaf faisait en effet état d’un échange d’e-mails laissant supposer que l’employeur était au courant de la demande de l’inspectrice à sa salariée.

Lire aussi [Interview] Contrôle Urssaf : « L’employeur doit permettre l’accès à tout support d’information nécessaire » (E. Dellacherie)

L’irrégularité est sanctionnée par la nullité du contrôle et du redressement

Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce très clairement, pour la première fois à notre connaissance, que le fait de demander des documents directement à un salarié de l’entreprise, sans autorisation de l’employeur pour ce faire, entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent.

Dans un arrêt ancien, la Cour de cassation avait déjà approuvé une cour d’appel d’avoir sanctionné par la nullité du contrôle et du redressement l’obtention par l’agent de contrôle de documents directement auprès d’un salarié (arrêt du 5 décembre 1991). Néanmoins, dans cet arrêt, il était reproché aux agents de contrôle d’avoir exercé des pressions sur le salarié pour que celui-ci leur remette des documents en l’absence de son employeur et a fortiori sans son accord. On pouvait se demander si, à défaut de telles pressions, l’irrégularité du contrôle pouvait être prononcée en cas de remise directe de documents par un salarié sans autorisation de l’employeur. Le doute est désormais levé.

Lire aussi Contrôle Urssaf : la procédure est modifiée par décret

Cécilia Decaudin

Laisser un commentaire

Suivant