Actu

Dénonciations en cas d'infractions routières : bilan mitigé

La majorité des employeurs (77%) ont déclaré avoir dénoncé leurs salariés coupables d’une infraction au code de la route, majoritairement pour être conforme à la réglementation. Mais bon nombre d’entre eux le font à contre-cœur et près de la moitié ont vu leurs craintes se confirmer quant à une dégradation du climat social dans leur entreprise. Etat des lieux dans les entreprises un an après la mise en place de cette nouvelle obligation.

Dénonciations en cas d'infractions routières : bilan mitigé

Depuis le 1er janvier 2017, l’employeur est tenu de dénoncer l’identité du salarié ayant commis certaines infractions routières avec un véhicule de l’entreprise. Cette obligation, issue de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016, vise à réduire la délinquance routière. Ainsi, pour près d’un tiers des dirigeants interrogés dans le cadre d’une enquête menée par la CPME*, les salariés auraient une meilleure conduite routière grâce à cette nouvelle obligation. Mais un an après, quel bilan peut-on faire de cette nouvelle responsabilité qui incombe aux chefs d’entreprise ? Plus de trois dirigeants sur quatre (61%) donnent le nom du salarié, coupable d’une infraction, à l’administration, principalement pour ne pas aller à l’encontre de la réglementation. Ils craignent d’être convoqué au commissariat ou d’être exposé à des poursuites pénales. Le dirigeant de l’entreprise, personnellement redevable de cette amende, s’expose, outre la peine de la contravention commise, au paiement d’une amende forfaitaire d’un montant de 750 € s’il ne se plie pas à cette nouvelle obligation. L’enquête révèle que la dénonciation du salarié fautif est réalisée à contre-cœur pour nombre de chefs d’entreprise, certains assimilant cette obligation à la délation. Par ailleurs, seuls 30% des chefs d’entreprise considèrent la seule responsabilité du salarié comme une raison suffisante pour transmettre le nom à l’administration.

Dégradation du climat social

Pour 41% des dirigeants, la nouvelle mesure est jugée délétère pour le climat social, engendrant une dégradation de ce dernier au sein de l’entreprise. 20% citent également une méfiance des salariés vis-à-vis du dirigeant, des employés accusant le chef d’entreprise d’être responsable de la perte de points ou de la perte de leur permis de conduire. En raison d’une pression supplémentaire, le stress des employés s’accroît. In fine, certains dirigeants définissent cette loi comme « une injustice et un racket » au regard du nombre élevé de kilomètres parcourus par leurs salariés et du risque induit de se trouver plus souvent en infraction. En outre, les dirigeants jugent complexe la gestion administrative de la procédure, cette obligation suscitant des questions pratiques sur l’organisation du travail au sein de l’entreprise. Cette nouvelle responsabilité oblige les employeurs à transmettre par lettre recommandée avec accusé de réception ou via une procédure dématérialisée aux autorités l’identité et l’adresse de la personne qui conduisait un véhicule ayant commis une infraction au Code la route dans les 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention.

Un quart des chefs d’entreprise n’obéit pas à la règle

23% des dirigeants, refusant de se conformer à l’obligation, ne transmettent pas le nom du salarié fautif. Ces chefs d’entreprise s’insurgent contre cette nouvelle réglementation et n’acceptent pas, par principe, de dénoncer leurs salariés à l’administration. Ils préfèrent être sanctionnés par une amende plutôt que de devoir se livrer à la délation. Ils jugent également inéquitable de pénaliser les conducteurs de véhicules « au même titre que d’autres travailleurs sédentaires », alors que les premiers effectuent des milliers de kilomètres chaque mois et sont donc plus exposés au risque d’infractions. Un sentiment d’injustice d’autant plus renforcé lorsque le procès-verbal sanctionne un dépassement de vitesse de quelques kilomètres à l’heure. Autres raisons citées pour ne pas se conformer à la loi, la crainte de la réaction du salarié incriminé (19%), voire de celle des autres salariés, et le risque de pour le salarié de se voir retirer son permis de conduire en cas de dénonciation (26%). L’employé serait alors dans l’incapacité de mener à bien son travail, pénalisant de fait l’entreprise. Même chose pour les dirigeants qui n’ont pas encore été confrontés à la situation : un sur trois ne dénoncerait pas le salarié si celui-ci était coupable d’une infraction au code de la route, essentiellement pour ne pas se livrer à la délation et ne pas risquer un retrait du permis de conduire du salarié.

*Enquête CPME menée via Internet auprès de 1586 dirigeants de PME en août et septembre 2017

Charlotte de Saintignon

Laisser un commentaire

Suivant