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Loyers commerciaux : la médiation de Bercy accouche d’une souris

La médiation entre bailleurs et commerçants, lancée le 23 avril par Bercy pour encadrer le report des loyers durant la crise, s’est concrétisée par une Charte de bonnes pratiques présentée le 3 juin. Un coup d’épée dans l’eau pour la plupart des Fédérations du commerce.

Loyers commerciaux : la médiation de Bercy accouche d’une souris
Le problème des loyers reste entier pour 15 grandes fédérations du commerce qui dénoncent « le caractère limité, non contraignant, déséquilibré et excluant des mesures formulées par la Charte » © Adobe Stock

Peut mieux faire. Si la Charte de bonnes pratiques  sur les loyers commerciaux « constitue un signal positif au service de l’intérêt des commerçants fragilisés par la crise », comme le souligne Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, dans un communiqué du 3 juin, le problème des loyers reste entier pour 15 grandes fédérations du commerce non-signataires. Elles dénoncent le même jour « le caractère limité, non contraignant, déséquilibré et excluant des mesures formulées ». Quand 9 regroupements de commerçants ont décidé de leur côté de suivre l’accord-cadre (Confédération des commerçants de France, Commerçants et artisans des métropoles de France, fédérations de l’habillement, de l’équipement du foyer, des détaillants de la chaussure, de la photographie, la fédération des marchés de gros, le syndicat national des antiquaires, le Comité des Galeries d’art).

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« Aucune avancée majeure »

Les bailleurs signataires de la Charte (CNCC, SFIF, UNPI, AFG, ASPIM, FFA) « acceptent de reporter 3 mois de loyers (2 au titre du confinement et 1 correspondant à un prorata des 4 mois de reprise jusqu’à septembre) pour les commerçants qui en ont besoin, quelle que soit leur taille », explique le ministère de l’Économie. Ce report des loyers d’avril, mai et juin concerne donc également les commerçants « qui auraient choisi de ne pas recevoir du public, alors qu’ils y étaient autorisés ». Quant aux annulations, elles seront « examinées en gré à gré, sur la base des critères de chiffre d’affaires et des difficultés de trésorerie du commerçant » avec d’éventuelles contreparties pour les locataires les moins fragiles (allongement de la durée du bail, clause de retour à une meilleure fortune, un avenant au bail, etc.).

Du déjà-vu pour les 15 fédérations du commerce réfractaires qui rappellent, dans un communiqué commun du 3 juin, que la « mesure de report d’un trimestre de loyer […] est déjà largement appliquée » et que « la Charte n’apporte aucun bénéfice significatif nouveau aux entreprises par rapport aux déclarations des bailleurs dans leur communiqué de presse en date du 17 avril dernier » [annulation d’un trimestre de loyers pour les TPE ayant été contraintes de fermer par l’arrêté du 15 mars et discussions au cas par cas pour celles en difficultés].

Les fédérations qui « préfèrent poursuivre la négociation avec leurs bailleurs sans se référer à ce cadre [la Charte] », selon les mots du ministère, déplorent ainsi « le refus des représentants des bailleurs de prendre sérieusement en considération les réels dangers encourus par les commerçants » et regrettent « que cette Charte n’ait pas voulu prendre exemple des positions d’une part toujours plus importante de bailleurs qui soutiennent réellement les entreprises en actant l’abandon des loyers durant la période ou en adoptant une progressivité des loyers à la reprise d’activité ».

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« Aucune mesure pour inciter les bailleurs »

Les 15 regroupements de commerçants rétifs regrettent en outre que « la Charte ne comporte aucune mesure pour inciter les bailleurs à accompagner fortement leurs locataires durant cette période de crise ». Outre le fait que bailleurs et locataires ne sont pas obligés de suivre la Charte, les propriétaires signataires peuvent accorder aux commerçants une annulation des loyers pouvant aller « jusqu’à 50 % » de la masse des loyers reportés. Or, aucun plancher n’a été retenu. « Cette formule ne présente aucune obligation puisqu’un bailleur qui accorderait par exemple 10 % de franchise respecterait la Charte », soulignent les fédérations.

Surtout, la Charte « laisse aux bailleurs la liberté de décider lesquels de ses commerçants méritent d’être accompagnés ou non sous réserve que ces derniers en fassent la preuve », déplorent-ils. Aucune garantie minimale n’est en effet offerte (modalités du report ou de l’annulation) aux locataires commerçants (hors TPE comptant moins de 10 salariés et ayant été contraintes de fermer par arrêté) qui doivent prouver leurs difficultés (chiffre d’affaires, compte de résultat, situation de trésorerie, montant des aides obtenues durant la crise, etc.) et convaincre leurs bailleurs. Seuls les locataires les plus fragilisés ont la garantie que l’éventuelle annulation soit « sans contrepartie ».

Enfin, elles reprochent la non prise en compte de « tous les lieux encore fermés, comme les cinémas, les bars et restaurants dans les zones orange, et les commerces implantés dans les centres commerciaux de plus de 70 000 m² [et de 40 000 m²], que l’État n’a pas autorisés à rouvrir le 2 juin ». Les commerces en défaut de paiement avant le 15 mars ne sont également pas concernés.

Le calendrier de la Charte

La période couverte est celle du confinement et de la reprise jusqu’au 30 septembre.

Pour le report des loyers du 2ème trimestre (avril, mai et juin), les bailleurs et locataires qui choisissent de suivre la Charte ont jusqu’au 30 juin pour s’accorder sur le règlement des sommes reportées et sur l’échéancier qui peut s‘étendre au-delà du 30 juin (au 30 septembre au plus tôt).

Pour les annulations, les bailleurs et locataires doivent finaliser leur négociation avant le 1er octobre 2020.

Les charges locatives et taxes doivent être payées intégralement par les locataires commerçants « aux échéances contractuelles du bail et avec effet immédiat au 15 juin 2020 pour celles du 2ème trimestre de 2020 », stipule la Charte.

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Matthieu Barry

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