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Les techniques de reprise d'entreprise par LBO
Comment utiliser tous les leviers possibles pour acquérir une entreprise, lorsque l'on ne possède pas les fonds nécessaires ? Pourquoi ne pas mettre en place une opération « à effet de levier » permettant l’acquisition de la société cible (communément appelée « opération de LBO ») ?
Le nombre de rachats d’entreprises effectués par des opérations à effet de levier de type LBO, LBI, LMBO ou encore BIMBO est important. Derrière ces termes de plus en plus courants, et dont l’abréviation générique reste « LBO » ou « capital-transmission », se cachent des opérations financières complexes. Le LBO n’est qu’un des métiers du « private equity » (ou « capital-investissement ») : il s’agit d’un mode de financement de la transmission d’une entreprise lorsque celle-ci a atteint un certain niveau de maturité.
Le LBO est une opération à effet de levier consistant à acquérir une société « cible » par l’intermédiaire d’une société « holding », créée à cet effet. Celle-ci va bénéficier de plusieurs sources de financement afin d’acquérir la cible : une dette bancaire sera notamment mise en place aux côtés d’autres formes de financement, le solde des fonds nécessaires à l’acquisition étant apporté directement par les repreneurs.
Il existe une variété importante d’opérations à effet de levier, dont le nom dépend principalement de l’identité du repreneur. À titre illustratif, dans le LBI (Leverage Buy-In), l’acheteur est extérieur à la société (il s’agit par exemple d’une société de « private equity ») tandis que dans le cadre d’une opération de LBO (Leverage Buy-Out), l’acheteur est issu de la société.
Cette différence se retrouve dans les opérations de LMBO (Leverage Management Buy Out) et LMBI (Leverage Management Buy In) qui désignent le rachat d’une entreprise, soit par des cadres dirigeants de la société cible dans le cas du LMBO (formule la plus répandue en France), soit par des managers extérieurs à la société cible dans le cas du LMBI.
Le schéma de reprise est plus complexe dans le cas d’un BIMBO (Buy In Management Buy Out) dans la mesure où l’équipe de repreneurs est composée à la fois de cadres de la société cible et de dirigeants extérieurs. Enfin, lorsque l’objectif des futurs actionnaires est de marier l’entreprise à d’autres entités (par voie d’acquisitions) pour créer par exemple un pôle d’activité ou encore des synergies industrielles, le montage prend le nom de LBU (Leverage Build-Up).
On retrouve derrière cette variété d’opérations un mécanisme identique : le rachat d’une entreprise par une société holding spécialement créée et endettée à cet effet. Grâce à cette structuration, les repreneurs vont pouvoir bénéficier de trois effets de levier principaux :
- un levier financier : lorsque la rentabilité économique d’une société cible est supérieure au taux d’intérêt des emprunts, il est préférable, pour un repreneur, de faire financer cette acquisition par de l’endettement au niveau de la société holding plutôt que d’apporter des fonds personnels. Durant les années qui suivent l’acquisition, les dividendes versés par la société cible au profit de la holding permettront de rembourser le capital et les intérêts des dettes.
Exemple : Supposons que la cible ait une valeur constante, sur la période, égale à 100. Si à l’origine le rachat avait été financé avec 40 de fonds propres et 60 de dettes et qu’à l’issue de la période, la totalité des dettes ait été remboursée par les dividendes distribués par la cible, alors, in fine, les actionnaires récupèreront 100 pour une mise de 40, soit un multiple de 2,5 fois la mise.
- un levier fiscal : grâce à la mise en place d’une société holding, le nouveau groupe (NewCo et cible) va pouvoir bénéficier, s’il en fait la demande et s’il répond aux conditions imposées (détention à hauteur de 95% au minimum, notamment), du régime d’intégration fiscale. Ce régime permet une économie d’impôt équivalente au taux d’impôt sur les sociétés (IS) multiplié par le montant des intérêts payés sur les dettes d’acquisition. Ainsi, l’Etat prendra en charge, par le biais d’une réduction d’impôts, une partie du remboursement de la dette d’acquisition.
- un levier juridique : du point de vue juridique, le pouvoir d’adopter les décisions d’actionnaires revient à celui qui détient au moins 50% des droits de vote (majorité simple). Il suffit donc de détenir 50% de la cible et 50% de la holding pour bénéficier de ce pouvoir décisionnel. Cet effet de levier peut être démultiplié par la mise en place d’une succession de holdings « en cascade ». Il est également envisageable de créer des droits de vote doubles, au moyen d’actions de préférence, au profit des seuls repreneurs.
La détermination du prix de vente peut être source de désaccord entre le vendeur et l’acquéreur et pour mener à bien l’opération envisagée, les parties disposent de plusieurs moyens constituant, pour l’acquéreur, de véritables leviers complémentaires :
- Le paiement différé ou crédit-vendeur : il s’agit, pour le vendeur, d’accepter une facilité de paiement au profit de l’acquéreur, consistant en un différé de paiement partiel ou total du prix de cession. Dans cette situation, la créance du vendeur sur l’acquéreur est certaine et n’est soumise à aucune condition ou aléa (le risque de non-paiement est couvert, en pratique, par une caution ou garantie bancaire à première demande).
- Le complément de prix ou « earn out » : Dans le cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un prix, une des solutions envisageable pour aboutir à un accord est la mise en place d’une clause de complément de prix (« earn out »). Il s’agit de convenir d’un seuil minimal de performance à atteindre par la cible, pendant une durée déterminée, au-delà duquel toute performance supplémentaire entraînera le versement, par l’acquéreur, d’un complément de prix au profit du vendeur.
Tout l’intérêt d’un LBO réside dans la diversité et l’adjonction de plusieurs sources de financement, ce qui permet d’envisager l’acquisition d’une société cible en apportant seulement 30 à 50 % du prix de cession. Une convention de subordination instaure le rang de priorité selon lequel les différents prêteurs seront remboursés par la société emprunteuse. Deux dettes à connaître :
- La dette « senior » : elle correspond à un emprunt, généralement d’une durée de 5 à 7 ans, souscrit par la holding auprès d’une banque (ou d’un pool de banques) spécifiquement pour acquérir la société cible. L’emprunt bancaire est la source principale de financement et comporte fréquemment une tranche amortissable (celle-ci sera remboursée au fil des remontées de dividendes) ainsi qu’une tranche remboursable qui devra être remboursée à l’échéance du prêt : ce mécanisme permet d’éviter une pression trop importante sur la trésorerie de la société holding, notamment si les remontées de dividendes ne sont pas à la hauteur de ce qui était prévu.
- La dette « junior » ou « mezzanine » : afin de bénéficier d’un financement complémentaire à celui des banques, et ainsi augmenter l’effet du levier financier, il est mis en place une dette dite « junior » ou « mezzanine », d’une durée de 8 à 10 ans. Le risque, et donc le coût de la dette mezzanine, est supérieur à celui de la dette senior dans la mesure où son remboursement lui est subordonné (c’est-à-dire qu’il interviendra uniquement après remboursement de la dette senior). Le plus souvent, la dette mezzanine prend la forme d’une émission d’obligations convertibles (OC) ou d’obligations à bons de souscription d’actions (OBSA).
Dans le cadre d’un LMB (LMBO ou LMBI), les fonds de capital investissement proposent des packages au management des sociétés dans lesquelles elles investissent, avant tout afin de motiver, fidéliser et mobiliser le management sur le succès des opérations. On trouve deux principales composantes :
- L’avantage incitatif à l’entrée ou « sweet equity » : Ce mécanisme confère au management un effet de multiplication entre les montants qu’il investit et la part du capital détenu. Ceci est obtenu grâce au recours au compte courant, aux obligations convertibles (OC) ou aux bons de souscription d’actions (BSA), lors de l’entrée de l’investisseur au capital de la société. « L’envy ratio » qui mesure le rapport entre le coût du capital pour le management et le coût du capital pour le fonds d’investissement, s’inscrit généralement dans une fourchette comprise entre 1,5 et 8.
- La participation supplémentaire à la sortie ou « ratchet » : Ce mécanisme fonctionne principalement à l’aide de bons de souscription d’actions (BSA) et s’applique à partir du moment où l’investisseur réalise un niveau de plus-value au-delà d’un certain seuil : dans cette hypothèse, le management bénéficiera, en exerçant les BSA dont il dispose, d’une quote-part de la plus-value réalisée.
Exemple : toute plus-value au-delà d’un TRI (taux de rendement interne) de 25 %, sera partagée à raison de 30 % au profit du management et 70 % au profit du capital investisseur.
Comme tout type de transactions financières, la technique du LBO s’inscrit dans un cadre juridique limitatif. Quelques points nécessitent une attention particulière :
- Les prêts et avances de la société cible au profit de sa holding : Toutes les avances ou les prêts de la cible à la NewCo sont interdits. C’est pourquoi la mise en place d’une gestion centralisée de trésorerie entre cible et holding doit être traitée, et documentée, avec la plus grande prudence.
- Les sûretés consenties par la cible : La cible n’a pas la possibilité de garantir, sous quelque forme que ce soit, un emprunt consenti à la NewCo en vue d’acheter les actions de la cible.
- La fusion de la cible et de la holding : Une question récurrente en pratique concerne la validité de la fusion entre la société cible et sa holding, intervenant après l’opération de LBO. En effet, il peut être considéré qu’une fusion rapide (à savoir dans un délai de 2 ou 3 ans suivant l’acquisition) revient à transposer le prêt d’acquisition, souscrit par la holding, directement à la société cible, et à lui faire ainsi directement supporter le remboursement des échéances du prêt ayant servi à acquérir ses titres.
En résumé, la réussite de tout LBO repose essentiellement sur 3 conditions :
- La capacité de la cible à faire remonter des dividendes qui serviront à rembourser la dette souscrite par la société holding ;
- L’investissement d’une équipe dirigeante motivée et compétente ;
- La possibilité d’augmenter la valeur de la cible en interne (restructuration, diminution des coûts, nouveaux produits ou marchés) et en externe (croissance externe, cession d’actifs ou de branches).