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Guerre en Ukraine : l'État presse les distributeurs à rouvrir les contrats commerciaux

À la suite de la réunion agricole et agroalimentaire dédiée à la crise ukrainienne, les ministères de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Alimentation et des PME ont créé un comité des négociations commerciales exceptionnel pour permettre aux différents maillons de la chaîne agro-alimentaire de rouvrir les discussions sur leurs contrats commerciaux dans un délai d’un mois.

Guerre en Ukraine : l'État presse les distributeurs à rouvrir les contrats commerciaux
Le gouvernement appelle les distributeurs à « ne pas se cacher derrière le juridique », invoquant l’« effort de solidarité nécessaire et indispensable » pour « préserver chaque maillon de la chaîne alimentaire ». © Getty Images

À situation exceptionnelle, comité exceptionnel. Suite aux impacts de la guerre en Ukraine, un comité exceptionnel a réuni vendredi 18 mars les différents maillons de la chaîne alimentaire – producteurs, transformateurs, distributeurs… « Nous vivons une crise avec des impacts très importants, qui, s’ils ne sont pas les mêmes en termes d’ampleur, sont au moins équivalents voire supérieurs à ceux du premier confinement », a averti le cabinet du ministre de l’Agriculture Julien Denormandie.

Ces impacts touchent les approvisionnements, comme le miel, l’huile de tournesol ou le poisson, avec des chocs en termes de prix très importants. « Le blé a pris 36 % depuis le 23 février, le maïs 30 %, le tournesol 46 % et le gaz près de 90 % », a notamment cité le cabinet du ministre de l’Agriculture qui a rappelé à cette occasion qu’« il n’y aura pas de pénurie mais un impact prix » au sein de l’Hexagone.

Un impact prix qu’a également confirmé le cabinet du ministre délégué chargé du Tourisme, des Français de l’étranger, de la Francophonie et des PME : « La crise russo-ukrainienne a accéléré la tendance inflationniste ». « Ces tensions vont avoir des conséquences sur les relations commerciales », prévient Bercy.

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Compréhension et responsabilité

Les ministres de l’Agriculture et de l’Alimentation, de l’Industrie et le ministre délégué chargé des PME ont demandé à chacun d’agir « avec responsabilité et transparence », en prenant en compte le contexte. « Il y a nécessité de faire passer les hausses et l’impact de cette crise sur les différents maillons de la chaîne de valeurs », a expliqué un membre du cabinet du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Les différents ministères ayant appelé de concert distributeurs et industriels à la réouverture des contrats, dont certains ont été signés il y a seulement une quinzaine de jours à la demande des entreprises qui seraient impactées par la crise. « La loi EGAlim prévoit et étend des clauses de renégociation des contrats et des outils pour répondre en partie à ce contexte exceptionnel », s’est félicité Bercy.

Néanmoins, « les clauses de révision automatique des prix ne sont pas toujours pleinement opérantes car certaines n’ont pas été conclues ou se déclenchent tardivement ». Aussi, les ministères appellent à une attention particulière, ce même lorsque « les critères de déclenchement n’étaient pas atteints, pour qu’elles puissent s’exercer ».

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Pas de sanction prévue

En d’autres termes, les distributeurs doivent être ouverts au dialogue même si les conditions législatives contractuelles n’étaient pas pleinement remplies. Les ministères enjoignent d’une part industriels et fournisseurs à s’engager à apporter en totale transparence toutes les garanties pour justifier la réalité des impacts de la guerre sur leur activité et sur la hausse de leurs propres coûts et d’autre part les distributeurs à regarder avec compréhension et responsabilité les contrats au vu des circonstances. Ils doivent ainsi faire preuve « de bon sens et de pragmatisme car la situation n’avait pas toujours été anticipée dans la rédaction fine des clauses telles qu’elles figurent dans les contrats ».

« Chacun doit faire ses meilleurs efforts pour que les circonstances exceptionnelles que l’on vit soient prises en compte dans les contrats »

Le gouvernement les appellent à « ne pas se cacher derrière le juridique », invoquant l’« effort de solidarité nécessaire et indispensable et un changement de paradigme et de comportement chez certains distributeurs », tout en indiquant qu’il n’est « pas question de pinailler. Chacun doit faire ses meilleurs efforts pour que les circonstances exceptionnelles que l’on vit soient prises en compte dans les contrats ». Avec l’objectif de « préserver chaque maillon de la chaîne alimentaire, afin que les exploitants agricoles puissent continuer d’exercer leur activité, les industriels continuent de faire tourner leur usine et vendre à un prix qui leur permet de continuer à produire et les distributeurs arrivent à préserver leur modèle sans alimenter une inflation à outrance. C’est une équation complexe ».

Toutefois, même s’il y a « une très forte pression qui est mise sur les distributeurs » pour rouvrir les discussions, aucune sanction n’est prévue pour ceux qui ne rouvriraient pas leurs négociations. L’idée est d’inviter distributeurs et producteurs à se remettre autour d’une table pour rediscuter en fonction de la situation et revoir le contenu des contrats. Ainsi, lorsqu’il y a de très fortes variations sur les matières premières agricoles, sur l’énergie, les transports ou les emballages, les parties disposent d’un mois pour rediscuter leurs contrats.

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Charte d’engagement mutuel et moratoire

À l’issue de cette réunion agricole et agroalimentaire exceptionnelle dédiée à la crise ukrainienne, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a salué « le discours de responsabilité » de tous les maillons de la chaîne, mettant en avant « l’effort de transparence qu’ils étaient prêts à faire ». Afin de voir comment avancent les renégociations, des réunions tous les jeudis sont prévues entre les syndicats agricoles, les acteurs de la transformation et les grandes enseignes de distribution, et une charte d’engagement mutuel sera passée auprès des distributeurs et des fournisseurs pour cadrer ces renégociations.

Enfin, en matière de pénalité logistique, étant donné que toutes les chaînes d’approvisionnement sont perturbées, un moratoire sur les sujets liés à l’Ukraine pourrait être envisagé. En parallèle, « l’État a pris ses responsabilités, défend le cabinet du ministre de l’Agriculture, avec le plan de résilience présenté mercredi pour permettre aux entreprises de faire face aux impacts de la guerre. C’est une partie de la réponse. »

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Charlotte de Saintignon

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