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Taxation des contrats courts : et si c'était le prix du chômage pour les indépendants ?

Les négociations sur la réforme de l'assurance-chômage ont commencé avec comme point de crispation, la taxation des contrats courts. Ce sujet pourrait masquer celui du financement de l’indemnisation des Travailleurs Indépendants Economiquement Dépendants (TIED). Et une réalité plus complexe : le licenciement vécu comme un échec par les dirigeants de PME/TPE.

Taxation des contrats courts : et si c'était le prix du chômage pour les indépendants ?

« CDI contre contrats plus précaires ? On ressort le couvert sur la question ! », commente Michel Gire, associé gérant de GMBA, alors que les discussions entre partenaires sociaux sur la réforme de l’assurance chômage viennent de commencer. « Des syndicats souhaitent une taxation contre le recours qu’ils jugent abusif des contrats courts alors que le patronat ne veut pas en entendre parler, pas plus que d’un système de bonus-malus », poursuit-il. Certes, reconnaît l’expert, « la France n’est pas une bonne élève » en matière de contrats courts puisqu’en quinze ans, ils ont été multipliés par près de 2,5 passant de 1,5 million en 2000 à plus de 4 millions aujourd’hui. Pour limiter les abus, les syndicats soutiennent le gouvernement qui veut instaurer un bonus/malus sur les CDD : un bonus de 2 % pour les contrats longs, un malus de 10 %, pour les contrats courts. Autant dire que les employeurs devraient réfléchir à deux fois si ce scénario venait à aboutir.

La faute au licenciement d’un CDI, vécue comme un échec

Pour Michel Gire, c’est « le licenciement du CDI » qui est la cause de la multiplication de ces contrats courts. « Nous ne sommes pas dans une culture anglo-saxonne où l’échec est admis. Non ! En France, mettre fin à un contrat permanent est vécu comme un échec par un dirigeant de PME, TPE et même ETI. Alors que l’utilisation de contrats courts et d’interim semble tout à fait normale », note-t-il. Une analyse partagée par Marc Sanchez,  secrétaire général du Syndicat des indépendants (SDI) : « L’embauche en CDI ne se décrète pas. Elle se construit sur la confiance du chef d’entreprise dans la pérennité de son besoin et du salarié recruté ».  Michel Gire insiste : « le chef d’entreprise reste anormalement prudent et va avoir un nombre très élevé de CDD et d’interims ». Les chiffres lui donnent raison : après une hausse de 12 % en septembre 2017, « la progression de l’intérim atteint 9,2 % en octobre. Il s’agit du 35ème mois consécutif de croissance du travail temporaire », confirme Prims’Emploi dans une étude publiée le 15 janvier 2018.

La taxation des contrats courts liée à la promesse d’E. Macron d’offrir le chômage aux indépendants ?

Pour Marc Sanchez,  du SDI, cette remise sur le devant de la scène des contrats courts dans le cadre de la négociation de l’assurance-chômage n’est pas un hasard. Il rappelle qu’elle est directement liée à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’une assurance chômage « universelle », permettant notamment aux indépendants (et aux démissionnaires) d’en bénéficier. Comment résoudre l’équation d’ouvrir le chômage aux travailleurs indépendants sans toucher aux droits actuels et sans augmenter les cotisations patronales ? Par une taxation des contrats courts ou un système de bonus/malus. « L’assurance chômage de tous les indépendants n’est pas forcément souhaité ni par ces derniers, ni par les salariés », insiste Marc Sanchez. Et si l’on doit chiffrer le coût d’une telle mesure, le secrétaire général du SDI est encore plus direct : « les professionnels indépendants refusent toute cotisation supplémentaire telle que suggérée dans les scénarios du rapport Igas – IGF, pour une contrepartie devenue indigente et à l’accès très circonscrit ». Seuls les Travailleurs Indépendants Economiquement Dépendants (TIED) qui sont, pour Marc Sanchez, « des salariés déguisés » doivent pouvoir bénéficier de l’assurance-chômage, comme le préconise le Conseil économique social et environnemental dans le rapport « Les nouvelles formes de travail indépendant » adopté le 21 novembre 2017 : « expérimenter, dans le cadre de l’assurance chômage (système assurantiel et obligatoire), l’indemnisation des nouveaux travailleurs indépendants recourant aux plateformes, en cas de perte totale de revenu ». Mais l’expérimentation ne doit pas se faire par le biais des contrats courts.  « La surtaxation des contrats courts pénalisera avant tout les TPE en leur qualité d’utilisatrices principales de cette forme de contrat de travail. Renchérir le coût du recours au CDD privera les petites entreprises d’une souplesse essentielle dans la gestion de leur masse salariale visant notamment à limiter les risques en cas de ralentissement de l’activité », indique Marc Sanchez. « On n’aborde pas assez les contrats précaires sous le prisme des branches concernées », note Michel Gire de GMBA. « Artistiques et culturelles avec l’intermittence, l’audiovisuel, l’hôtellerie et la restauration ainsi que les personnel de santé… On pourrait organiser mieux en ayant une action concentrée sur ces secteurs et par des négociations dans ces branches », propose l’expert. Les discussions paritaires se poursuivent.

Claire Padych

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