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Financement des entreprises : comment la crise a changé la donne
Prêt garanti par l’État, fonds de solidarité universel - qui doit prendre fin ce 31 décembre -, prêts Rebond, prêts participatifs… Les dispositifs de soutien aux entreprises se sont succédé depuis mars. La table ronde virtuelle organisée par l’AJPME le 8 décembre dernier a permis d’aborder le financement des TPE/PME à l’heure de la crise sanitaire.
« Le maître mot était de sauvegarder notre trésorerie » explique Jean-Marie Thuault, dirigeant associé du tour-opérateur Sports d’Évasion à Nantes, PME d’une dizaine de salariés. Si son entreprise était en fort développement, avec 40 % de croissance de chiffre d’affaires (CA) début 2020, son secteur d’activité, le tourisme et le voyage, a été frappé de plein fouet par les conséquences de la crise sanitaire et l’entreprise a perdu 97 % de son CA en novembre.
Heureusement, le secteur a obtenu, par ordonnance du 25 mars, la possibilité de proposer un avoir de 18 mois, et non un remboursement, aux clients dont le séjour a été annulé en raison de la pandémie de coronavirus, afin de préserver leur trésorerie. « Cette mesure a été salvatrice pour nous, en plus du report d’un an de notre dette senior, des exonérations de charges et de l’activité partielle à taux plein qui nous ont permis de ne pas sortir de trésorerie », explique le chef d’entreprise. « Les mesures de l’État jouent un rôle d’amortisseur en finançant ou en reportant une partie des charges des entreprises » explique Anne Guérin, directrice Financement et Réseau chez Bpifrance, faisant notamment référence au triptyque PGE, prêt Atout et prêt Rebond.
112 milliards d’euros de PGE
Pour renflouer sa trésorerie, outre le fonds de solidarité, Jean-Marie Thuault a contracté deux PGE. Si sa première demande a été plutôt rapide, la deuxième, en octobre a été plus longue. « Il faut être bien structuré et avoir suffisamment de fonds propres » explique le dirigeant. La plupart des entreprises avaient réellement besoin de ces prêts, étant souvent sous-capitalisées et donc incapables d’encaisser les moments difficiles. En revanche, certaines ont souscrit des PGE « de confort », l’assimilant plutôt à de l’épargne de précaution. « Beaucoup d’entreprises l’ont pris plus par prudence que par opportunisme », estime Anne Guérin, chiffrant à 60 % le montant des PGE « de confort » au départ, avec « au moins 50 % d’entre eux qui devraient être remboursés à l’échéance d’un an ».
Hélène de Prévoisin, directrice marché Entreprises et institutionnels à La Banque Postale, se félicite de l’élan de solidarité qui s’est déployé envers les entreprises et de l’instauration du PGE en trois semaines. Au 7 décembre, 112 Md€ de PGE ont été accordés par les banques via la plateforme Bpifrance à 658 000 entreprises, dont 330 000 pour un montant inférieur à 50 000 €. « Les banques ont joué le jeu et la crise a permis de mettre en évidence qu’elles étaient de véritables partenaires des entreprises qui étaient là pour les aider » indique-t-elle. « Elles restent la colonne vertébrale des entreprises », confirme Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Île-de-France. Pour aider les chefs d’entreprise, les établissements bancaires ont multiplié les offres à destination de leurs clients, à l’image de ce qu’a mis en place la Banque Postale : moratoires de crédit, gratuité des solutions de paiement pour favoriser le click and collect, contrats d’affacturage simplifiés et moins onéreux, énumère sa représentante.
Quid des fonds propres ?
En 2021, la priorité de Jean-Marie Thuault sera de rétablir les fonds propres de son entreprise. Son souhait le plus cher ? « Que les PGE soient transformés en quasi fonds propres », espère le chef d’entreprise qui confie l’impossibilité pour lui de rembourser les prêts dans l’immédiat. Pour le moment, les dirigeants qui en font la demande ont la possibilité d’ajouter un an de différé supplémentaire pour rembourser leur PGE, avec une durée d’amortissement qui reste fixée à six ans maximum.
« Les prêts participatifs, actuellement en discussion au Parlement, devraient sortir au 1er trimestre 2021 et permettre aux entreprises de reconstituer leurs fonds propres », indique Hélène de Prévoisin. Pour le secteur du tourisme, un dispositif « d’obligations convertibles devrait être créé dans les jours à venir », ajoute Anne Guérin. La proposition de loi stipule actuellement que « le poids des PGE risque d’obérer le potentiel d’emprunt et d’investissement des entreprises, voire même de les fragiliser pour certaines jusqu’à faire l’objet d’une liquidation judiciaire ».
Pour pouvoir se développer et renouer avec la croissance, les entreprises doivent pouvoir continuer à investir. « Les chefs d’entreprise doivent faire face à de nouveaux défis, et notamment financer des investissements liés à la digitalisation, la sécurité informatique ou la transition énergétique pour relancer leur activité », conclut Hélène de Prévoisin.
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Charlotte de Saintignon
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