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Des travailleurs indépendants en mal de revenus

Un peu plus d’un indépendant sur dix (11,7 %) gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté. C’est ce que révèle une étude Insee parue le 5 janvier 2022.

Des travailleurs indépendants en mal de revenus
Les travailleurs indépendants sont plus nombreux à dégager moins de revenus parmi les femmes, les jeunes qui débutent leur vie professionnelle et ceux qui poursuivent une activité au-delà de 65 ans. © Getty Images

En 2018 et 2019, quatre indépendants sur dix ont des revenus d’activité déclarés à l’administration fiscale inférieurs au Smic annuel, correspondant à la quotité de travail qu’ils déclarent exercer. Plus d’un quart d’entre eux (27,1 %) sont considérés comme « gagnant très peu », soit gagnant des revenus d’activités annuels (salaires et revenus d’indépendants, hors indemnités chômage et hors pensions de retraite) inférieurs à 50 % du Smic net.

Plus alarmant encore, 18 % des indépendants ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté monétaire et un peu plus d’un indépendant sur dix (12 %) cumule faibles revenus et pauvreté. Parmi les 3 millions d’indépendants que comptait la France métropolitaine en 2019, les activités – exploitants agricoles, électriciens, restaurateurs, coiffeurs, pharmaciens, avocats ou encore artistes –, comme les revenus, varient fortement. Le statut d’indépendant présente en effet un risque en matière de revenu lié aux aléas affectant leur activité.

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Les femmes et les plus jeunes particulièrement exposés

Les travailleurs indépendants sont plus nombreux à dégager moins de revenus parmi les femmes, les jeunes qui débutent leur vie professionnelle et ceux qui poursuivent une activité au-delà de 65 ans. Les femmes perçoivent ainsi plus souvent de faibles revenus d’activité que les hommes avec 30 % gagnant moins que la moitié du Smic annuel contre 26 % pour les hommes. Toujours parmi les femmes, 12 % exercent sous le statut d’aide familial d’exploitant agricole ou de conjoint collaborateur d’artisan, de commerçant ou de professionnel libéral, soit six fois plus que les hommes (2 %).

Autre chiffre éloquent concernant les jeunes : plus du tiers des indépendants de moins de 30 ans perçoivent de faibles revenus d’activité (35 %) et ils sont deux fois plus souvent micro-entrepreneurs que l’ensemble des indépendants (48 % contre 24 %). Enfin, 45 % des plus de 65 ans perçoivent de très faibles revenus d’activité. En revanche, ils sont aussi les moins exposés à la pauvreté (11 %), notamment parce que 22 % exercent une activité inférieure à un mi-temps et 85 % perçoivent également une pension de retraite.

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Inégalités selon les catégories socio-professionnelles

Si l’on regarde de plus près les catégories socio-professionnelles, les indépendants exerçant une profession de l’information des arts et des spectacles – artistes plasticiens, cadres artistiques de l’audiovisuel et des spectacles ou encore auteurs littéraires – se démarquent nettement. S’ils ne représentent que 3 % de l’ensemble des indépendants, ils « performent » dans les statistiques, comptant à la fois la plus forte proportion de personnes gagnant très peu (51 % ont un revenu annuel inférieur à la moitié d’un Smic annuel) et de personnes vivant dans un ménage en dessous du seuil de pauvreté (28 %).

Les agriculteurs sont eux aussi très nombreux à avoir des revenus d’activité très bas, avec 38 % qui gagnent très peu et 26 % vivant sous le seuil de pauvreté. Quant aux artisans et commerçants, ces derniers ont plus souvent de très faibles revenus que les artisans (36 % contre 29 %) mais vivent un peu moins souvent sous le seuil de pauvreté (21 % contre 24 %). En revanche, les professions libérales et les professions de la santé semblent les moins exposées à la pauvreté, avec seulement 5 % des indépendants de ces secteurs vivent sous le seuil de pauvreté.

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De l’importance des prestations sociales

La perception de faibles revenus d’activité ne conduit pas nécessairement à une situation de pauvreté monétaire. Ainsi, tous les indépendants « gagnant très peu » ne sont pas considérés comme « pauvres », les dispositifs de redistribution sociale et les revenus de remplacement jouant un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté monétaire. Plus de la moitié des indépendants et des salariés bénéficient ainsi d’au moins une des cinq principales prestations sociales ou de revenus de remplacement (revenu de solidarité active (RSA), prime d’activité (PA), allocation adulte handicapé (AAH), allocations logement (AL) ou prestations familiales). 21 % des indépendants ayant des revenus d’activité très faibles bénéficient par exemple d’allocations chômage et 12 % perçoivent une pension de retraite.

Les revenus d’un conjoint qui travaille peuvent également avoir un effet protecteur. Ainsi, ces derniers représentent en moyenne près de la moitié du revenu disponible des ménages des indépendants. Par ailleurs, l’approche monétaire de la pauvreté présente certaines limites pour appréhender la situation des indépendants souligne-t-on dans l’étude. Il faut prendre en effet en compte le fait qu’une partie de leurs dépenses de consommation – dépenses d’énergie ou de logement – peuvent être intégrées directement dans les comptes de leur société ou exploitation, rendant leurs conditions de vie potentiellement plus favorables.

De fait, si le taux de pauvreté monétaire des indépendants est nettement plus élevé que celui des salariés, dans leur ensemble ils ne seraient pas plus confrontés que les salariés aux privations matérielles et sociales. À noter cependant que les indépendants seuls ou élevant seuls un ou plusieurs enfants seraient plus exposés à la pauvreté. Le niveau de vie s’appréhendant à l’échelle du ménage, la présence d’un conjoint qui travaille ou encore la perception de prestations sociales limitent le risque d’être en situation de pauvreté. Ainsi, la proportion d’indépendants vivant sous le seuil de pauvreté varie de 12 % chez les couples sans enfant à 34 % des familles monoparentales.

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Charlotte de Saintignon

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