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Preuve des heures de travail : que faire en l'absence d'un système de décompte objectif et fiable ?

L'employeur qui n'a pas mis en place un système de décompte du temps de travail objectif, fiable et accessible conserve tout de même la faculté, pour prouver l'existence et le nombre d'heures de travail réellement accomplies, de soumettre au juge des éléments de preuve.

Preuve des heures de travail : que faire en l'absence d'un système de décompte objectif et fiable ?
La question posée au juge dans ce litige était de connaître les conséquences du non-respect de cette obligation par l’employeur. La réponse est claire : ce non-respect ne le prive pas du droit de soumettre les éléments de preuve dont il dispose. © Getty Images

En l’absence d’horaire collectif dans l’entreprise, que se passe-t-il si l’employeur n’a pas mis en place, comme il le doit, un système objectif, fiable et accessible permettant de décompter le temps de travail ? Peut-il, lors d’un contentieux, apporter des éléments de preuve sur la réalité des heures effectuées ? Oui, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 2024.

Dans cette affaire, une salariée, coiffeuse, saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire et de paiement d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos. L’employeur y répond en produisant un cahier manuscrit de relevé des heures tenu quotidiennement par lui-même, corroboré par des attestations de témoignages en justice.

Prenant en compte les éléments produits de part et d’autre, la cour d’appel juge que la salariée n’a pas accompli les heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies et la déboute de ses demandes.

Celle-ci se pourvoit en cassation en arguant que le juge ne peut prendre en considération, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, les documents produits par l’employeur que si ceux-ci proviennent d’un système objectif, fiable et accessible de mesure de la durée du travail du salarié mis en place par l’employeur. Or, l’employeur n’avait en l’espèce pas mis en place un tel système, mais usait, pour décompter les heures qu’elle effectuait, d’un cahier manuscrit qu’il remplissait quotidiennement.

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Le cahier quotidien de décompte des heures et les attestations fournis acceptées comme modes de preuve

La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui a débouté la salariée de ses demandes d’heures supplémentaires. Selon la Haute juridiction, l’absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies.

Pour rendre sa décision, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence sur le mécanisme probatoire particulier prévu par l’article L.3171-4 sur l’existence ou le nombre d’heures de travail accomplies : le salarié doit, en premier lieu, apporter des « éléments suffisants » à l’appui de sa demande, puis l’employeur, en réponse, fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et règlementaires.

En l’espèce, les juges du fond ont considéré, s’appuyant notamment sur le cahier quotidien de décompte des heures et les attestations fournis par l’employeur, que la salariée n’avait pas effectué les heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies. On peut se demander si les juges du fond auraient adopté la même position si l’employeur avait apporté comme preuve uniquement un cahier manuscrit ou uniquement des attestations de témoignages en justice.

Dans sa décision, la Cour rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice de l’union européenne du 14 mai 2019 qui prévoit que les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C-55/18, point 60).

Notons qu’en droit interne, le code du travail ne précise pas que ce système de décompte des heures doit être objectif, fiable et accessible. Il se limite à préciser que si le système d’enregistrement est automatique, ce système doit être fiable et infalsifiable (article L.3171-4 du code du travail). L’application de la jurisprudence européenne oblige à tenir un décompte des heures de travail en respectant des critères plus exigeants.

La question posée au juge dans ce litige était de connaître les conséquences du non-respect de cette obligation par l’employeur. La réponse est claire : ce non-respect ne le prive pas du droit de soumettre les éléments de preuve dont il dispose.

La Cour de cassation adopte une appréciation très large des éléments de preuve que l’employeur peut apporter en réponse aux éléments de preuve fournis par le salarié.

La rédaction sociale

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