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Les TPE/PME refusent l'hypothèse d'un "bonus-malus" sur les contrats courts

Les contrats courts s’invitent dans le projet de loi pour « la liberté de choisir son avenir professionnel ». Le gouvernement laisse aux branches professionnelles le soin de négocier, mais un amendement réhabilitant le « bonus-malus » vient d’être adopté. Il ne passe pas auprès des TPE et des PME. Marc Sanchez du Syndicat des Indépendants s’en explique.

Les TPE/PME refusent l'hypothèse d'un

Alors que l’Assemblée nationale examine le projet de loi  pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » de la ministre du Travail, les économistes Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry ont adressé le 4 juin 2018 une note confidentielle au Président Macron (source : Le Monde).  Ils  estiment « déséquilibrée » la politique menée par Emmanuel Macron qui ne mettrait pas assez l’accent sur la question sociale. Parmi leurs propositions, un bonus-malus sur les contrats courts pour encourager les entreprises à embaucher et éviter qu’il y ait trop de CDD.  Ils  reprennent à leur compte la philosophie d’un amendement dont l’objectif est de limiter le recours à l’intérim et de favoriser l’embauche en CDI,  déposé par deux députés du Doubs de La République en Marche, Denis Sommer et Frédéric Barbier et repris par le groupe parlementaire LREM. L’amendement a été adopté le 31 mai  en commission des affaires sociales. Lors des débats parlementaires, Denis Sommer a justifié cette position : « je rappelle qu’à l’automne dernier nous avons largement débattu des ordonnances (…) Je me rappelle nos débats d’alors et la question du bonus-malus a bel et bien été posée et la ministre l’a très explicitement abordée en séance publique. Nous vous proposons donc tout simplement de tenir ici un engagement ».

Interim, contrat court et « entreprise vertueuse »

Le parlementaire poursuit sa démonstration : « La mesure envisagée me semble très utile … quand une entreprise est fortement contributrice de dépenses sociales, notamment vis-à-vis de l’assurance chômage, elle cotise plus qu’une entreprise vertueuse, qui prend du temps pour former de nombreux apprentis, qui prend du temps pour embaucher en CDI, qui fait le pari de la formation (…) Il arrive qu’on fasse enchaîner à une personne des CDD souvent très courts, des périodes où elle bénéficie de l’assurance chômage, avant de renouer avec des CDD… Le projet de loi prévoit de pénaliser cette pratique sans toutefois résoudre le problème de l’intérim. En même temps que le nombre de CDD s’est accru – avec une augmentation de 34 % en deux ans – l’intérim s’est considérablement développé. Dans certains secteurs industriels on arrive à des taux d’utilisation de l’intérim insupportables, au point d’atteindre parfois le taux de 50 % si ce n’est plus. Aussi le présent amendement propose-t-il que l’intérim soit pris en compte dans le calcul du bonus-malus ; il s’agit donc de considérer les intérimaires comme des salariés de l’entreprise cliente de l’intérim ».

Une exemption totale du dispositif pour les moins de 20 salariés (Marc Sanchez, SDI)

A son tour, Monique Iborra (LREM) a indiqué quel était son objectif : « notre démarche n’est pas punitive a priori contre les chefs d’entreprise… Or nous devons faire face à l’explosion des contrats courts. Si certains sont liés au secteur d’activité – on pense aux travailleurs saisonniers –, d’autres sont abusifs. Il est donc normal que la puissance publique intervienne, surtout au moment où il semble que l’économie reparte, pour rationaliser l’utilisation des différents contrats, les contrats courts créant de la précarité ». Mais plusieurs voix d’opposition se font entendre du côté du patronat. « Ce taux est applicable à toutes les entreprises, de 5 à 500 salariés, ce qui ne peut produire les mêmes effets », dénonce Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des Indépendants (SDI  http://www.sdi-pme.fr/ ). « Un seul licenciement dans une TPE de 5 salariés représente 20 % de l’effectif soit, à même proportion, l’équivalent de 100 ruptures contractuelles pour une entreprise de 500 salariés ! », démontre-t-il, reprenant l’objectif du gouvernement de favoriser le retour à l’emploi. « Comment peut-on rassurer des petites entreprises avec une telle proposition ? », indique-t-il, rappelant également que contrairement aux grandes entreprises, « les petites ont une visibilité du marché à court ou moyen terme, souvent de 12 ou 18 mois ». Le CDD est souvent le seul dispositif qui leur permet de faire des affaires tout en faisant travailler des salariés. En l’état, Marc Sanchez juge « le projet indécent », car « il fait reposer l’entière responsabilité sur l’employeur, sans distinction de la cause de la rupture contractuelle, qu’il s’agisse d’une fin de mission ou du licenciement d’un salarié avec dix ans d’ancienneté ». Et en cas de faute grave, « l’employeur a la double peine : les prud’hommes et la taxe ! ». Pour toutes ces raisons, « nous proposons une exemption totale pour les entreprises de moins de 20 salariés », même si la rupture d’égalité pourrait lui être opposée. Et Marc Sanchez de conclure :   « il aurait été plus judicieux pour le gouvernement de déterminer ce qu’est un CDI ». Muriel Pénicaud aura tout le loisir d’y réfléchir : le parcours législatif du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui doit être voté avant l’été, doit encore se poursuivre devant le Sénat.

Claire Padych

 

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