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Une nouvelle étude pointe la baisse des indemnités de licenciement du fait du barème Macron

Un nouveau rapport rendu jeudi 20 juillet à France Stratégie constate une baisse des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter de l'application du barème Macron. Le document revient également sur quelques tendances relatives à l'application des accords de performance collective et des ruptures conventionnelles collectives.

Une nouvelle étude pointe la baisse des indemnités de licenciement du fait du barème Macron
Selon les chercheurs, "les indemnités moyenne et médiane en mois de salaire ont davantage diminué dans les entreprises de 11 salariés ou plus. © Getty Images

A la suite d’appel à projet de recherche menée par France Stratégie dans le cadre du Comité d’évaluation des ordonnances Travail – désormais supprimé – un nouveau rapport vient d’être publié. Mené par Camille Signoretto, économiste du travail, et Raphaël Dalmasso, maître de conférence en droit du travail, – avec une équipe de chercheurs – le rapport revient sur plusieurs aspects de l’ordonnance Macron n° 2017-1387. Ce texte a donné satisfaction à une revendication des employeurs : la limitation du montant des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse demandées en justice par les salariés. Comme l’indique le titre du texte, l’ambition affichée est de « sécuriser » et rendre « prévisibles » les relations de travail.

Avec plusieurs années de recul, on sait désormais que si la plupart des juridictions appliquent le barème, certains juges du fond (cours d’appels ou conseils de prud’hommes) persistent à vouloir adapter le montant de l’indemnité à la situation du salarié. La Cour de cassation refuse quant à elle cette appréciation « in concreto ». Malgré cette solidité judiciaire, une proposition de loi de la Nupes a été déposée pour supprimer le dispositif. Le Comité européen des droits sociaux le considère comme contraire à la charte sociale européenne. Plusieurs syndicats réclament également sa suppression, comme Force Ouvrière. L’étude révèle aussi des résultats intéressants sur les accords de performance collective (APC) et les ruptures conventionnelles collectives (RCC).

Une baisse des indemnités de licenciement de 7,9 à 6,6 mois de salaire

« Le premier résultat est une légère baisse du montant moyen de ces indemnités, de 7,9 mois de salaire avant la mise en place du barème, à 6,6 mois de salaire ; alors que la médiane passe de 6,5 mois à 6 mois ». Les auteurs de l’étude « Evaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 : quel impact des nouvelles règles régissant les relations individuelles de travail et la rupture des contrats de travail sur l’emploi ? » approfondissent donc le constat esquissé devant l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et l’Institut des sciences sociales du travail (ISST).

Autres enseignements intéressants : selon les chercheurs, « les indemnités moyenne et médiane en mois de salaire ont davantage diminué dans les entreprises de 11 salariés ou plus. Comme il était plus probable d’obtenir un montant d’indemnité particulièrement élevé dans ces plus grandes entreprises, ce sont donc les employeurs de ces entreprises qui bénéficient le plus de la mise en place du plafond ». Le dispositif a donc spécifiquement arrangé les grandes entreprises.

Par ailleurs, le critère de l’ancienneté joue plus fortement sur la tranche de 2 à 5 ans d’ancienneté : les salariés dans ces situations perçoivent en moyenne moins d’indemnités que ceux qui travaillent depuis plus longtemps pour le même employeur. Selon le rapport, « Cela s’explique par le plafond du barème, plus faible que le précédent plancher qui atteignait six mois à partir de 2 ans d’ancienneté, même s’il concernait uniquement des salariés travaillant dans des entreprises d’au moins 11 salariés ».

Dans le détail, les échantillons d’arrêts d’appel révèlent un montant moyen d’indemnités de 23 367 euros (12 000 euros de valeur médiane séparant la moitié supérieure de la moitié inférieure) sur les licenciements déclarés non nuls. « En comparaison avec la période ante-ordonnances, les montants moyens sont très proches (23 367 euros vs 23 754 euros), en revanche, la médiane est plus faible dans la période post-ordonnances (12 000 euros vs 16 000 euros), ce qui suggère une moindre dispersion notamment dans le haut de la distribution », ajoute l’étude.

Quant aux licenciements déclarés nuls, le montant moyen des indemnités se porte à 25 775 euros (13 500 en médiane). Le montant est donc plus élevé qu’en présence d’un licenciement non annulé par les tribunaux. Cependant, cette comparaison doit rester prudente, la nullité du licenciement étant une cause d’exclusion du barème.

Une hausse des licenciements pour faute grave

Le rapport ne constate pas d’infléchissement de tendance autour de l’année 2017 au sujet des entrées et sorties de CDI. En revanche, les chercheurs ont constaté que « Le commerce, les services aux entreprise et l’hébergement-restauration contribuent ainsi pour 45 % à la hausse des entrées en CDI entre 2014 et 2019, tandis que le commerce, les services aux entreprises et l’enseignement/santé humaine/action sociale contribuent à eux seuls pour 52 % à la hausse des licenciements non-économiques sur cette période ».

Ils ont par ailleurs observé une hausse des licenciements pour faute grave, qu’ils interprètent à la fois comme un changement de comportement des employeurs via des changements de qualification des ruptures de contrats de travail, mais aussi comme une hausse des abandons de poste de la part des salariés. A ce sujet, ils renvoient vers l‘étude récente de la Dares.

Des APC sans réelles contreparties pour les salariés

A partir d’un échantillon de 37 accords de performance collective (APC), les chercheurs établissent que « les contreparties [aux] propositions [des employeurs] obtenues par les représentants des salariés sont très souvent de faible ampleur ». En revanche, les directions rivalisent d’inventivité dans le motif de recours à ces accords, et aboutissent à « une grande complexité des modifications proposées aux contrats de travail des salariés, portant sur la rémunération, le temps de travail, ou la mobilité des salariés ».

De ce fait, l’interprétation de ces effets de l’APC est souvent très obscure pour les salariés et leurs représentants. Enfin, l’analyse des auteurs du rapport montre que salariés et élus du personnel ou délégués syndicaux acceptent des clauses favorables à l’employeur en contrepartie de restructurations moins importantes.

Ils consacrent également un paragraphe à l’information du CSE, relevant qu’il n’existe pas d’obligation d’information  du CSE préalable à la négociation d’un APC, un défaut qu’ils regrettent car l’objet « pourrait justifier une information obligatoire au titre des attributions économiques ».

Cela étant, « le principal problème concerne souvent l’existence même de l’instance. En effet, la taille des structures concernées par les APC est très variable (…). Cela concerne 8 accords sur 37. Dans cinq des 37 structures concernées en revanche, il est certain qu’il n’existe pas de CSE ». Dans 20 des 24 accords visés, le CSE était bien informé de l’existence du dispositif.

RCC : des marges de manœuvre inédites pour l’employeur

Si quelques signes de « partage de pouvoir » entre employeurs et salariés/représentants du personnel existent, les chercheurs concluent à des « marges de manœuvre inédites » pour les directions d’entreprises : « Avec la RCC (rupture conventionnelle collective), l’employeur dispose de la capacité de réduction de ses effectifs, comme pour un licenciement économique collectif, mais il peut également façonner à sa guise la composition de sa main d’œuvre ».

Dans la détermination des salariés concernés par la RCC, les critères de choix sont le plus souvent imbriqués (métier/secteur, ancienneté/âge par exemple). L’employeur dispose ainsi de la « possibilité de définir précisément les catégories de salariés dont ils se séparent ».

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Marie-Aude Grimont

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