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La Cour de cassation annule le licenciement d'une salariée portant le voile

La Cour de cassation vient d'annuler le licenciement d'une vendeuse de prêt-à-porter motivé par le fait qu'elle refusait de se défaire de son voile devant les clients, ce qui - selon l'employeur - nuisait à l'image de marque de l'entreprise.

La Cour de cassation annule le licenciement d'une salariée portant le voile
Les juges du fond reprochent à l'employeur d'avoir pris cette mesure alors que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché. © Adobe Stock

À son retour de congé parental, une salariée, vendeuse en prêt-à-porter dans une grande enseigne nationale, se présente à son travail avec un foulard recouvrant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L’employeur lui demande de le retirer, ce qu’elle refuse : il la place en dispense d’activité puis, le refus persistant, la licencie pour cause réelle et sérieuse.

Pas de clause de neutralité dans l’entreprise

La salariée saisit la justice pour discrimination du fait de ses convictions religieuses. Avec succès puisque la cour d’appel annule le licenciement et condamne l’employeur à l’indemniser.

Les juges du fond reprochent à l’employeur d’avoir pris cette mesure alors que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché.

Ils constatent qu’aucune disposition du règlement intérieur de l’entreprise, ni aucune note de service assimilable à celui-ci, ne prévoyait de clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail.

Une clause possible

Rappelons à ce sujet qu’il est possible de prévoir ce type de clause dans le règlement intérieur, à condition qu’elle soit générale et indifférenciée, et qu’elle ne s’applique qu’aux salariés en contact avec les clients.

La Cour de cassation a jugé en 2017 que, faute d’une telle clause, le licenciement d’une ingénieure informatique ayant refusé de retirer son voile au contact de la clientèle, était discriminatoire.

Dans l’affaire en cause, la salariée avait reçu oralement l’ordre de retirer son foulard, cet ordre visant un signe religieux bien particulier. Les juges ont confirmé l’existence d’une discrimination directe fondée sur les convictions religieuses (arrêt du 22 novembre 2017).

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Un licenciement discriminatoire donc nul

Dans notre affaire, l’employeur justifiait sa décision par le fait que le port du voile portait atteinte à l’image de marque de l’entreprise et était susceptible de « chagriner » les clients, donc d’avoir des répercussions sur les ventes.

Mais les juges d’appel estiment que « l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses de détail d’un commerce d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Ils annulent le licenciement, qu’ils jugent discriminatoire. La Cour de cassation, le 14 avril 2021, valide cette décision.

Selon la CJUE, la notion « d’exigence professionnelle essentielle et déterminante » renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. En pratique, déterminer a priori ce qui constitue une exigence objective ou subjective n’est pas chose aisée et sera laissé à l’appréciation des juges en cas de litige.

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Marie Excoffier

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