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La Cour de cassation valide définitivement le barème Macron

Par deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation estime que le barème d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse est bien conforme à la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Elle écarte également toute possibilité pour les juges du fond de procéder à un contrôle in concreto lors de la mise en œuvre du barème.

La Cour de cassation valide définitivement le barème Macron
Hormis les cas prévus à l'article L.1235-3-1 du code du travail en cas de nullité du licenciement, l'application du barème ne souffre désormais d'aucune exception, a jugé la Cour de Cassation. © THOMAS SAMSON / AFP

La Cour de cassation vient de mettre un point final au feuilleton judiciaire sur le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu à l’article L.1235-3 du code du travail. Dans deux décisions publiées hier, la Cour de cassation juge le barème Macron conforme à la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), confirmant ainsi la position prise dans ses deux avis du 17 juillet 2019.

Rappelons que cette disposition a été introduite par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Elle a fait l’objet de nombreuses résistances de la part de cours d’appel qui ont écarté son application. La Cour de cassation vient remettre de l’ordre en excluant toute possibilité pour les juges de fond de procéder à un contrôle in concreto qui tient compte de la situation personnelle du salarié et leur permettait de déroger aux montants prévus à l’article L.1235-3 du code du travail.

Les deux premières affaires soumises à la Cour de cassation

Dans la première affaire, une salariée licenciée pour motif économique obtient en justice la somme de 32 000€ à titre d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel avait estimé que l’application du barème Macron reviendrait à lui allouer une somme qui représenterait à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution de ses ressources financières et ne permettait donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Cette disposition prévoit en effet, en cas de licenciement injustifié, le versement d’une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » (*).

La Cour de cassation estime que les juges auraient dû se contenter d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail.

La Cour de Cassation rejette l’effet direct de la Charte sociale européenne en droit interne dans un litige entre particuliers.

Dans la seconde affaire, c’est le salarié licencié pour motif économique qui conteste la somme de 48 000 € qui lui est allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cette affaire, le demandeur estime que l’article L.1235-3 du code du travail est contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne. Cette disposition prévoit qu' »en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

La Cour de cassation est amenée ici à trancher la question de l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle rejette cet effet direct estimant ainsi que cette disposition ne pouvait pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail et qu’il convenait d’allouer en conséquence à la salariée une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par le code du travail.

Au soutien de sa décision, la Cour de cassation met en avant le fait que « la Charte sociale européenne repose sur une logique programmatique : elle réclame des États qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe » et que « le contrôle du respect de cette Charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux (CEDS) ». Dès lors, « si des réclamations peuvent être portées devant cette instance, sa saisine n’a pas de caractère juridictionnel : les décisions qu’elle prend n’ont pas de caractère contraignant en droit français ».

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Un barème conforme à la Convention OIT n° 158

Dans les deux affaires, il était donc demandé à la Cour de cassation de déterminer si le droit français permet de réparer de « manière appropriée » le licenciement des salariés, et plus spécifiquement si le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse remplit bien ce rôle.

Pour justifier sa réponse positive, la Cour de cassation rappelle d’une part que le barème Macron ne s’applique pas en cas de nullité du licenciement en raison :

  • de la violation d’une liberté fondamentale ;
  • de faits de harcèlement moral ou sexuel ;
  • d’un licenciement discriminatoire ;
  • d’un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;
  • d’un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;
  • et d’un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections relatives à la grossesse et maternité, au congé de paternité, au congé d’adoption, au congé parental d’éducation et aux périodes de suspension liées à un accidents du travail ou à une maladie professionnelle.

Selon la Haute cour, il est donc inexact de soutenir que le barème Macron ne tiendrait compte que de l’ancienneté du salarié et de son niveau de rémunération. Il dépend aussi « de la gravité de la faute commise par l’employeur », insiste la Cour de cassation dans son communiqué.

La Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.

La Cour de cassation souligne d’autre part que le juge peut ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Remboursement qui est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées (article L.1235-4 du code du travail).

Dès lors, « au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de licenciement injustifié, la Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ».

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La mise à l’écart du contrôle in concreto

Finalement, la Cour de cassation n’a donc pas suivi l’avis de la première avocate générale de la chambre sociale, Anne Berriat, qui plaidait pour la possibilité d’un contrôle in concreto lors de l’application du barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse lors de l’audience du 31 mars dernier.

Dans son communiqué, la Cour de cassation justifie clairement la mise à l’écart d’un tel contrôle. « En matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un contrôle de conventionnalité in concreto reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème Macron au cas par cas, au motif que son application ne permettrait pas de tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable et d’attribuer au salarié l’indemnisation adéquate à laquelle fait référence l’article 10 de la Convention de l’OIT.

Or, ce contrôle créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges et porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La Cour de cassation juge que la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto« .

Hormis les cas précités prévus à l’article L.1235-3-1 du code du travail en cas de nullité du licenciement, l’application du barème ne souffre donc d’aucune exception.

Le CEDS doit encore se pencher sur le barème Macron

La Cour de cassation rappelle dans son communiqué que le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a été saisi de réclamations à l’encontre du barème français. Elle précise toutefois que « les décisions que prendra ce Comité ne produiront aucun effet contraignant, toutefois, les recommandations qui y seront formulées seront adressées au gouvernement français ». Ce n’est pas l’avis des syndicats FO et CGT.

(*) La Cour de cassation rappelle que selon le conseil d’administration de l’OIT, le terme « adéquat » visé à l’article 10 de la Convention n° 158 signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

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Florence Mehrez

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