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L’employeur peut prononcer le licenciement d'un salarié qui n’accepte pas clairement une rétrogradation disciplinaire

La Chambre sociale de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a nourri sa jurisprudence relative au licenciement pour motif disciplinaire, au travers d’une décision du 14 juin favorable à l’employeur.

L’employeur peut prononcer le licenciement d'un salarié qui n’accepte pas clairement une rétrogradation disciplinaire
Le flou vaut refus : les employeurs peuvent se servir d’une réponse ambiguë d’un salarié à une rétrogradation disciplinaire pour prononcer valablement son licenciement. © Getty Images

Pour la première fois, la Cour de cassation interprète la volonté du salarié qui accepte la modification de son contrat de travail, prononcée à titre disciplinaire. Dans une décision du 14 juin (pourvoi n° 21-22.269), elle estime que l’employeur peut licencier valablement un salarié qui n’accepte pas clairement une sanction disciplinaire.

Une rétrogradation disciplinaire et une lettre du salarié

Un salarié exerçait dans une société les fonctions de directeur des opérations, en disposant d’un statut cadre niveau IV, explique la Cour de cassation dans son arrêt. Son employeur lui avait proposé une rétrogradation disciplinaire au poste de directeur des achats cadre niveau III, accompagnée d’une baisse de salaire à hauteur d’un montant brut mensuel de 1 700 €, précise la juridiction rapportant le moyen du salarié.

Ce dernier avait indiqué, « par lettre du 5 avril 2017, que les difficultés économiques du secteur d’activité avaient amené la société […] à restructurer le métier qu’il chapeautait en scindant son activité en trois directions ». Il avait « confirmé qu’eu égard au contexte de grandes difficultés économiques du secteur, dans la mesure où la société jugeait de la nécessité stratégique de réorganiser sa direction en la scindant en trois et où son investissement […] était absolu au regard de la réussite du projet professionnel et compte tenu de la forte pression qui s’exerçait actuellement sur lui, il acceptait les nouvelles fonctions proposées par avenant à son contrat de travail déjà signé par la société ». Il rejetait cependant dans son courrier « les notions de disciplinaire et de sanction ne reflétant ni la réalité du terrain ni son entier dévouement ».

Le salarié, licencié pour faute le 21 avril 2017, avait contesté la rupture de son contrat de travail devant un conseil de prud’hommes. La cour d’appel de Versailles l’avait, par un arrêt du 1er juillet 2021, « débouté de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui voir allouer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement brutal et vexatoire ».

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Les arguments du salarié devant la Cour de cassation

À l’appui de son pourvoi devant la Cour de cassation, le salarié soutenait d’une part que la cour d’appel avait « dénaturé les termes clairs et précis de la lettre » en estimant que ce courrier « ne caractérisait pas un accord clair et non équivoque d’acceptation de la rétrogradation envisagée et que, se heurtant au refus » du salarié, l’employeur « pouvait prononcer une autre sanction ».

Le plaideur arguait d’autre part que « l’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation au droit de contester la régularité et le bien-fondé de la sanction ». À ce titre, il affirmait qu’en considérant la lettre du salarié comme l’expression d’« un refus de la modification de son contrat de travail justifiant qu’une mesure de licenciement soit substituée à la mesure de rétrogradation proposée, la cour d’appel a[vait] violé » différents textes (articles L. 1221-1, L. 1333-1, L. 1333-2 du Code du travail et 1103 du Code civil).

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Un licenciement valablement prononcé par l’employeur

Juge du droit et non des faits, la Cour de cassation approuve le raisonnement figurant dans la décision rendue en seconde instance. L’accord du salarié est nécessaire pour permettre une modification du contrat de travail voulue par l’employeur, rappelle-t-elle. Aussi, « l’employeur qui se heurte au refus d’une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave ». La cour d’appel a eu raison de considérer que le salarié n’avait pas manifesté dans son courrier, rédigés « en termes ambigus […], une acceptation claire et non équivoque » de la sanction.

Le flou vaut refus : les employeurs peuvent se servir d’une réponse ambiguë d’un salarié à une rétrogradation disciplinaire pour prononcer valablement son licenciement.

Ce qu’apporte cet arrêt

« La Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence suivant laquelle une modification du contrat de travail, prononcée à titre disciplinaire contre un salarié, ne peut lui être imposée, l’acceptation de cette modification résultant nécessairement d’une volonté non équivoque d’y consentir », explique à NetPME Marielle Vannier, avocate spécialiste en droit du travail.

D’après les connaissances de Maître Vannier, la nouveauté de cette décision réside dans « l’interprétation faite de la volonté du salarié qui, dans une lettre, accepte la modification de son contrat de travail mais pour des motifs autres que le motif disciplinaire ayant justifié la rétrogradation ».

Selon notre interlocutrice, la haute juridiction avait examiné jusque-là seulement des situations où le salarié était resté silencieux et avait poursuivi son contrat de travail aux conditions nouvelles ou avait purement et simplement accepté ou refusé la modification.

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Timour Aggiouri

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