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Un nouveau règlement sur la lutte contre les retards de paiement

Une proposition de règlement de la Commission européenne du 12 septembre 2023 s’attaque aux retards de paiement dans les transactions commerciales en Europe, pratique déloyale qui compromet particulièrement les flux de trésorerie des PME.

Un nouveau règlement sur la lutte contre les retards de paiement
Le retard de paiement crée un effet domino qui entraîne davantage de retards de paiement. Ainsi, 70 % des entreprises de l'UE ont confirmé qu'être payées dans les délais leur permettrait également de payer leurs propres fournisseurs à temps. © Getty Images

Dans l’Union européenne, en moyenne, une facture sur deux émise dans le cadre d’une transaction commerciale est payée tardivement voire pas du tout. Ces retards de paiement, augmentés lors des périodes de crise et de turbulences économiques, affectent particulièrement les PME, qui dépendent de flux de liquidités réguliers et prévisibles pour exercer leurs activités et qui se voient régulièrement imposer des conditions et délais de paiement abusifs par leurs fournisseurs plus puissants. Une faillite sur quatre est due au fait que les factures ne sont pas payées dans les délais.

C’est un constat confirmé par plusieurs études et évaluations réalisées par la Commission européenne : le cadre juridique actuel de l’UE ne permet de lutter efficacement contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. En l’absence notamment de mesures préventives, d’une mise en œuvre efficace et de mécanismes de recours facilement accessibles aux PME.

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Un règlement plutôt qu’une directive

Pour remédier à ce problème, la Commission européenne a présenté le 12 septembre 2023 une proposition de règlement concernant la lutte contre les retards de paiement, qui révise la directive applicable, adoptée en 2011. La Commission propose de remplacer la directive actuelle par un règlement qui contrairement à une directive, est directement applicable et prévoit les mêmes dispositions dans l’ensemble de l’UE.

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Délai de paiement maximal de 30 jours

Actuellement, la directive en vigueur prévoit un délai de paiement de 30 jours pour les opérations entre entreprises (B2B). Toutefois, ce délai peut être porté à 60 jours ou plus « pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ». Dans la pratique, l’absence de délai de paiement maximal effectif et l’ambiguïté de la définition d’« abus manifeste » dans la directive ont conduit à une situation dans laquelle des délais de paiement de 120 jours ou plus sont souvent imposés aux petits créanciers.

« Une faillite sur quatre est due au fait que les factures ne sont pas payées dans les délais. »

Ainsi, la proposition de règlement introduit un délai de paiement maximal unique de 30 jours pour toutes les transactions commerciales, y compris les transactions B2B et les transactions entre les pouvoirs publics et les entreprises. Ce délai serait le même dans l’ensemble de l’UE (art. 3.1). La liberté contractuelle serait préservée puisque les parties pourraient négocier tout délai de paiement pour autant qu’il ne dépasse pas 30 jours (art. 4).

Elle supprimerait ainsi l’extension actuelle des délais de paiement à 60 jours pour les produits non périssables, les entités publiques dispensant des soins de santé et pour les pouvoirs publics qui exercent des activités économiques à caractère industriel ou commercial en tant qu’entreprises publiques (art. 3.1).

La proposition éliminerait le concept ambigu de dispositions contractuelles « manifestement abusives » et le remplacerait par une liste de pratiques nulles et non avenues (art. 9).

Les procédures d’acceptation et de vérification des marchandises et des services ne seraient désormais autorisées que si elles sont nécessaires en raison de la nature spécifique du contrat et leur durée ne peut dépasser 30 jours (art. 3.2 et 3.3).

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Paiement automatique des intérêts de retard et des frais de recouvrement

Le nouveau règlement vise à mieux protéger les créanciers contre leurs débiteurs. Les nouvelles règles rendraient le paiement des intérêts de retard dus automatique et obligatoire, lorsque les conditions nécessaires sont remplies, à savoir : le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales, le débiteur a reçu la facture ou une demande de paiement équivalente et le créancier n’a pas reçu le montant dû indiqué dans la facture ou la demande de paiement équivalente, dans le délai de paiement contractuel ou légal de paiement (de 30 jours maximum) (art. 5.1 et 5.2). Contrairement à la directive actuelle, la nouvelle proposition prévoit que le créancier ne peut renoncer à son droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement (art. 5.3). Toute disposition contractuelle ou pratique contraire serait abusive et, par conséquent, nulle et non avenue, et dépourvue du moindre effet juridique. Il n’incomberait donc plus au créancier de réclamer le paiement d’intérêts, qui devient une obligation automatique des débiteurs en cas de retard de paiement (art. 5.2).

Les intérêts de retard courraient jusqu’au paiement du principal, conformément à la jurisprudence (art. 5.7). Le taux des intérêts de retard correspondrait aux taux de référence de la BCE, majoré de 8 % (art. 6.1). Dans le cas des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, le taux de référence est fixé par la banque centrale nationale (art. 6.3).

Les nouvelles règles feraient passer l’indemnité forfaitaire de 40 € (ou équivalent) à 50 € (ou équivalent) par transaction commerciale payée tardivement pour l’aligner sur l’inflation. Cette indemnité forfaitaire serait également automatiquement due (art. 8).

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Mesures d’exécution et recours

La proposition de règlement introduit de nouvelles mesures exécutoires et de recours pour protéger les entreprises contre les mauvais payeurs. Les États membres seraient tenus de mettre en place des autorités chargées de contrôler et d’assurer l’application des règles (art. 13). Ces autorités seraient habilitées à recevoir des plaintes, à ouvrir des enquêtes et à infliger des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l’égard des mauvais payeurs (art. 14).

Les États membres devraient promouvoir le recours volontaire au règlement extrajudiciaire des litiges afin de préserver la relation contractuelle entre le débiteur et le créancier et d’assurer un règlement rapide du litige en matière de paiement entre les parties, tout en veillant à la bonne mise en œuvre des règles (art. 16).

Dans les marchés publics, les pouvoirs publics pourraient être habilités à vérifier que les paiements sont effectivement transférés du contractant principal aux sous-traitants (art. 4).

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Entrée en vigueur

Une fois adoptées par le Parlement européen et le Conseil, les nouvelles règles deviendront applicables un an après l’entrée en vigueur du règlement, afin de permettre aux pouvoirs publics et aux entreprises de prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer.

Attention ! les transactions commerciales effectuées après la date d’application du règlement seront soumises aux dispositions du règlement, même si le contrat correspondant a été conclu avant cette date. 

Sandy Allebe

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