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Comment le projet de loi sur l'immigration compte réduire les difficultés de recrutement dans les secteurs en tension

Le projet de loi sur l'immigration et le droit d'asile a été adopté mercredi en Conseil des ministres. Le texte comporte un nombre important de dispositions visant à améliorer l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, celui des demandeurs d'asile et, partant, de répondre aux difficultés de recrutement des secteurs en tension.

Comment le projet de loi sur l'immigration compte réduire les difficultés de recrutement dans les secteurs en tension
Le projet de loi entend sanctionner davantage les entreprises qui emploient des travailleurs en situation irrégulière. © Getty Images

Le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration a été adopté mercredi en Conseil des ministres. Il comporte un volumineux volet « emploi » dont l’objectif premier est de répondre aux difficultés de recrutement dans les secteurs en tension.

Nous vous présentons le détail des mesures du texte qui sont susceptibles d’évoluer lors de leur examen au Parlement. Le texte sera d’abord examiné au Sénat mi-mars avant d’être débattu à l’Assemblée nationale fin mai, début juin. Le gouvernement compte sur une adoption du projet de loi avant la fin de la session parlementaire.

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Création d’un nouveau titre de séjour pour les métiers en tension

Le projet de loi crée un nouveau titre de séjour accessible à des personnes étrangères en situation irrégulière présentes sur le territoire depuis plus de trois ans de manière ininterrompue, exerçant un emploi dans une activité ou une zone géographique considérée en tension depuis au moins huit mois sur les 24 derniers mois de présence sur le territoire.

Le travailleur étranger se verra délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension » d’une durée d’un an. Il pourra se voir délivrer, à l’expiration de ce titre, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » sous réserve de bénéficier d’un CDI et de satisfaire aux nouvelles exigences en matière de maîtrise du français (lire notre encadré ci-dessous). La délivrance de cette carte entraînera celle de l’autorisation de travail (article L. 5221-2 du code du travail).

Un décret d’application viendra préciser les modalités de délivrance de la carte de séjour mention « travail dans des métiers en tension », en particulier pour ce qui concerne les modalités de prise en compte du temps partiel et du cumul d’emplois pour le décompte des périodes conditionnant le bénéfice du titre.

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, a précisé, lors du compte rendu du Conseil des ministres que des quotas ou un plafond applicables à ce nouveau titre de séjour pourront être discutés lors de l’examen parlementaire du projet de loi.

Les périodes de séjour et l’activité professionnelle salariée exercée sous couvert d’un titre de séjour « étudiant », d’une carte de séjour pluriannuelle « travailleur saisonnier » ou en tant que demandeur d’asile autorisé à travailler ne sont pas prises en compte pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travail dans des métiers en tension ».

Cette carte pourra être octroyée jusqu’au 31 décembre 2026. Le gouvernement devant remettre au Parlement un rapport dressant le bilan de cette expérimentation au plus tard fin juin 2026.

Ces dispositions resteront applicables même après cette date aux titulaires de la carte de séjour délivrée avant le 31 décembre 2026.

Olivier Dussopt a annoncé que la liste des secteurs en tension sera réactualisée pour mieux représenter certains secteurs comme la cuisine et la propreté (allant ainsi dans le sens de l’avis du Conseil d’Etat).

L’étude d’impact précise que « sauf exonération prévue en loi de finances, les employeurs de salariés qui sollicitent la délivrance de cette carte de séjour seront tenus de s’acquitter de la taxe « employeur ».

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Renforcement des sanctions à l’encontre des employeurs « indélicats »

Le projet de loi entend sanctionner davantage les entreprises qui emploient des travailleurs en situation irrégulière. Une nouvelle sanction administrative est ainsi créée. L’intérêt, a souligné Olivier Dussopt, est qu’il s’agit « de sanctions très rapides et dissuasives ».

Afin de déterminer le montant de l’amende, le préfet de département pourra prendre en compte les circonstances du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges.

Le montant maximal de l’amende sera de 4 000 euros et pourra être appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs étrangers concernés par le manquement. Le plafond de l’amende pourra être porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.

En raison du principe « non bis in idem » expressément pointé par le Conseil d’Etat dans son avis, lorsque seront prononcées, à l’encontre de la même personne, une amende administrative et une amende pénale à raison des mêmes faits, le montant global des amendes prononcées ne pourra pas dépasser pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.

Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative sera de deux années révolues à compter du jour où le manquement a cessé.

La personne à l’encontre de laquelle une amende est prononcée pourra contester la décision de l’administration devant le tribunal administratif, à l’exclusion de tout recours hiérarchique.

Un décret en Conseil d’Etat devra fixer les modalités d’application et les conditions de mise en œuvre de cette nouvelle amende.

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Accélérer l’embauche des demandeurs d’asile

Le projet de loi entend également « autoriser certains demandeurs d’asile à travailler avant le délai de six mois, qui est un délai incompressible avant de demander une dérogation pour avoir le droit de travailler quand on est demandeur d’asile, a expliqué Olivier Dussopt mercredi. Seront concernés, les personnes étrangères qui viennent de pays pour lesquels le taux d’acceptation est extrêmement élevé. « La liste des pays sera régulièrement actualisée pour tenir compte de l’évolution de chacun des pays et de l’évolution des taux d’acceptation », a précisé le ministre du travail. La liste pourra également être complétée et l’un des pays concernés suspendu.

Le demandeur d’asile qui accédera ainsi au marché du travail, dans ces conditions devra bénéficier de la formation linguistique prévues dans le cadre du parcours personnalisé d’intégration républicaine dans des conditions qui devront être précisées par arrêté. Il devra également bénéficier d’actions de formation concourant au développement des compétences prévues à l’article L.6313-1 du code du travail.

Moderniser la carte « passeport talent »

Enfin, le projet de loi entend moderniser le « passeport talent » renommé en carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent ». D’autre part les titres délivrés actuellement pour les motifs de création d’entreprise, de projet économique innovant et d’investissement en France seront fusionnés sous un unique titre portant la mention « talent-porteur de projet ».

Enfin, il est crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent – professions médicales et de la pharmacie » dédiée aux professionnels de santé et à leurs familles dès lors qu’ils sont recrutés par un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social.

La délivrance du titre de séjour sera conditionnée :

  • à l’obtention d’une autorisation d’exercice produite par l’agence régionale de santé (ARS) dont les conditions de délivrance et la durée de validité seront définies par un arrêté ;
  • à la production d’un contrat de travail établi avec un établissement public ou privé à but non lucratif ;
  • au respect d’un seuil de rémunération qui sera fixé par décret en Conseil d’Etat.

Améliorer l’apprentissage du français

Le projet de loi prévoit de conditionner la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la connaissance d’un niveau minimal de français.

Le projet de loi se donne également pour objectif d’organiser la contribution des employeurs à la formation en français des travailleurs étrangers allophones [personne dont la langue maternelle est une langue étrangère, dans la communauté où elle se trouve] afin de favoriser leur insertion professionnelle et sociale en France. « Les personnes étrangères devront réussir un examen pour accéder à une carte pluriannuelle et devront donc être en capacité de suivre une formation », a précisé Olivier Dussopt. Cette formation aura lieu sur le temps de gtravail. Un décret fixera la quotité de temps que l’employeur devra libérer pour suivre cette formation.

Le projet de loi prévoit ainsi de compléter les actions participant au développement des compétences que les employeurs pourront proposer à leurs salariés allophones dans le cadre du plan de développement des compétences. Il s’agit de permettre aux employeurs de proposer à ces salariés de suivre un parcours de formation linguistique pour leur assurer une connaissance suffisante de la langue française, dont le niveau sera fixé par décret.

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Florence Mehrez

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