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Le bonus-malus sur les contrats courts s'appliquera à compter de septembre 2022

La dernière réunion multilatérale avec les partenaires sociaux s'étant tenue le 2 mars au ministère du Travail, les contours de la réforme de l'assurance chômage sont désormais fixés. Calcul du salaire de référence, modalités du bonus-malus, application de la dégressivité et de l'éligibilité aux allocations... Les arbitrages ont très vite suscité l'irritation des syndicats.

Le bonus-malus sur les contrats courts s'appliquera à compter de septembre 2022
Le bonus-malus consiste à réduire ou augmenter les cotisations chômage des employeurs selon leur recours aux contrats courts et selon leur taux de séparation avec leurs salariés. © Adobe Stock

Reportée en raison du contexte sanitaire, économique et social qui ne se prêtait pas à une telle refonte, la réforme de l’assurance chômage est cette fois sur les rails. Le décret prévoyant ses modalités devrait être publié en mars, au plus tard le 1er avril, pour une entrée en vigueur en début d’été. Selon la rue de Grenelle, cette date a été choisie car ce serait « le moment où les secteurs d’activité pourront retrouver des perspectives normales ». Les différentes modifications entreront en vigueur en même temps, et ce « en cohérence avec le calendrier vaccinal ». Selon le ministère du Travail, 800 000 demandeurs d’emploi seront à terme concernés par une baisse de leur allocation, mais ils la toucheront plus longtemps en contrepartie. Explications.

Un plafond de 43 % jours non travaillés dans le calcul du salaire journalier de référence

Avant la réforme, le salaire journalier de référence (SJR) se calculait en divisant la somme des revenus du demandeur d’emploi par le nombre de jours travaillés. À compter de juillet, le dénominateur comprendra un nombre de jours non travaillés, limités par un plafond de 43 %. Le nombre de jours non travaillés est ainsi limité à 13 jours sur 30 jours pendant la période de calcul. Cette méthode fournit ainsi un SJR et un montant d’allocation chômage minimaux.

Le ministère produit l’exemple suivant, pour une personne gagnant un Smic brut mensuel de 1 555 €, et ayant travaillé 8 mois au cours des 24 derniers mois :

Modalités de calcul

Allocation

Durée

2017 985 € 8 mois
2019 389 € 24 mois
Réforme 2021 667 € 14 mois

Un seuil d’éligibilité réduit à quatre mois pour tous les demandeurs d’emploi

S’il a longtemps été prévu que seuls les jeunes bénéficient d’un seuil d’éligibilité de quatre mois au lieu de six, cette mesure a finalement été étendue à tous les demandeurs d’emploi. Il faudra donc, à compter du 1er juillet 2021, avoir travaillé quatre mois sur les 32 derniers mois pour être éligible aux allocations chômage. En effet, la période d’affiliation est théoriquement de 24 mois mais elle a allongée à 32 mois du fait de la neutralisation des deux confinements de mars et octobre 2020 et de la période actuelle de couvre-feu.

La dégressivité des allocations déclenchée au neuvième mois de chômage

Depuis le décret du 26 juillet 2019, la dégressivité des allocations chômage était prévue pour ne s’appliquer qu’aux demandeurs d’emplois âgés de moins de 57 ans et qui perçoivent un revenu supérieur à 4 500 € bruts par mois, la crise sanitaire ayant reporté l’entrée en vigueur de cette dégressivité. Ces critères sont conservés dans la réforme. Initialement, le gouvernement avait prévu que l’abattement sur les allocations s’appliquerait à compter du septième mois d’inactivité. C’est finalement le neuvième mois qui a été retenu comme déclencheur de la dégressivité.

Eligibilité et dégressivité sont également modulées par les clauses de retour à meilleure fortune, elles-mêmes combinées autour de deux indicateurs.

Lire aussi Les contours du bonus-malus sur les contrats courts fixés par décret

Les clauses de retour à meilleure fortune et leurs indicateurs

Les présentes règles de dégressivité et d’éligibilité ne sont cependant pas définitives : le gouvernement prévoit d’appliquer de nouveau les règles issues du décret de 2019 une fois que le marché du travail se sera « normalisé ». À ce moment, l’éligibilité repassera à six mois de travail sur les 24 derniers mois, et l’abattement de dégressivité des allocations s’appliquera de nouveau dès le septième mois de chômage.

Pour déterminer les déclencheurs du retour aux anciennes règles, le gouvernement a choisi des indicateurs « lisibles et peu volatils, capables de rendre compte de la dynamique du marché du travail ». Deux indicateurs ont ainsi été choisis :

  • un indicateur de stock : la baisse de demandeurs d’emploi de catégorie A sur six mois ;
  • un indicateur de flux : le nombre de déclarations préalables à l’embauche sur quatre mois.

Pour mémoire, un demandeur d’emploi de catégorie A est une personne sans emploi, tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat : CDI, CDD, à temps plein, à temps partieltemporaire ou saisonnier (voir sur le site servicepublic.fr les autres catégories de demandeurs d’emploi).

Ces indicateurs sont cumulatifs : ils doivent se produire simultanément pour que le retour aux règles de 2019 s’applique.

Les indicateurs commenceront à être surveillés à partir du 1er avril 2021.

Le premier indicateur sera considéré comme activé lorsque la baisse cumulée des demandeurs d’emploi de catégorie A sera supérieure ou égale à 130 000 personnes. Pour déterminer ce chiffre, le gouvernement a observé qu’une baisse de 45 000 demandeurs d’emploi attestait en période normale (hors crise sanitaire) d’un retournement du marché du travail. Une baisse de 85 000 demandeurs d’emplois est considérée comme une baisse spontanée du fait de la réouverture des entreprises touchées par les fermetures administratives dans les secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire (hôtellerie-restauration, tourisme, etc.[*]).

Le second indicateur sera considéré comme activé lorsque le nombre de déclarations préalables à l’embauche sera supérieur ou égal à 2,7 millions. Seules sont comptabilisées les embauches de plus d’un mois hors intérim.

Les indicateurs commenceront à être surveillés à partir du 1er avril 2021. Ainsi, aucune clause de retour à meilleure fortune ne pourra être effective avant octobre 2021, l’indicateur de stock devant être cumulé sur six mois. Le ministère du travail surveillera ensuite les indicateurs tous les mois. Il a par ailleurs précisé que les jeunes ne seraient pas visés par les clauses.

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Le bonus-malus sur les contrats courts s’appliquera à compter de septembre 2022

Le bonus-malus consiste à réduire ou augmenter les cotisations chômage des employeurs selon leur recours aux contrats courts et selon leur taux de séparation avec leurs salariés. Les différentes modalités sont inchangées par rapport au projet de réforme initial. Seules les dates d’application ont été modifiées. Les choix de recrutement et de séparation des salariés seront pris en compte pour le calcul des cotisations à compter du 1er juillet 2021. Ce sera la « période d’observation ». Les modulations de cotisations seront appliquées à compter du 1er septembre 2022, sur la base des observations recueillies.

Par ailleurs, les entreprises du secteur 1[*] seront exclues du bonus-malus. Il s’agit des employeurs affectés par une fermeture administrative liée à la crise sanitaire.

La modulation des cotisations pourra varier entre + 3 % et + 5,05 % à la hausse en cas de malus, ou entre -3 % et – 5,05 % à la baisse en cas de bonus. Le taux de séparation de l’entreprise sera comparé sur une période de référence avec le taux de séparation médian de son secteur. Le bonus-malus concernera toutes les entreprises de plus de 11 salariés dans 7 secteurs[*].

Une réunion tendue, des syndicats toujours opposés à la réforme

« Très tendue », selon Michel Beaugas, de FO, la réunion en visio lors de laquelle le ministère du Travail a présenté hier matin aux partenaires sociaux un résumé de la réforme de l’assurance chômage qui s’appliquera en juillet. Le syndicaliste déplore l’entêtement de l’exécutif à vouloir appliquer, même différée au 1er juillet et même assortie de clauses de retour à meilleure fortune, la réforme de l’assurance chômage. « La modification du salaire journalier de référence (SJR) va entraîner une baisse de 30 % de l’indemnité », critique Michel Beaugas. Et ce dernier d’ajouter : « Quelle sera la situation sanitaire, économique et sociale en juillet ? Personne ne le sait ». FO réitère, comme les autres syndicats, sa demande d’abandon pur et simple de cette réforme.

Tout en reconnaissant que la réforme était « moins dure » que celle initialement prévue, la CFDT vilipende également une réforme « injuste, inadaptée au contexte et déséquilibrée » et qui verra « 830 000 demandeurs y perdre, certains pouvant voir leur allocation baisser de 250 € par mois en passant de 900 € aujourd’hui à 650 € ». Laurent Berger a déploré sur Twitter la suppression des « mécanismes protecteurs et incitatifs au retour à l’emploi » que sont selon lui les droits rechargeables et le cumul emploi-chômage.

La CGT de son côté ironise sur un bonus malus qui ne serait effectif qu’en 2022 alors que les mesures d’économies touchant les demandeurs s’appliqueront dès juillet 2021. « Le gouvernement passe en force sa réforme dès cet été, en totale déconnexion avec la réalité des travailleuses et travailleurs précaires ou au chômage », dénonce le syndicat qui dit vouloir étudier de nouveaux recours contre le futur décret.

[*] La liste des sept secteurs « protégés » se trouve en annexe au décret du 29 juin 2020. Les secteurs concernés par le bonus-malus figurent quant à eux en annexe de l’arrêté du 27 novembre 2019.

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Marie-Aude Grimont

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