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Retards de paiement : le comportement des grandes entreprises encore pointé du doigt

Dans un contexte post-Covid, de guerre en Ukraine et de crise de l’énergie, les délais de paiement inquiètent l’ensemble des acteurs économiques. A l’occasion des Assises des délais de paiement 2022 qui se sont tenues jeudi dernier, le gouvernement et les grandes fédérations professionnelles en ont appelé à la solidarité des grandes entreprises.

Retards de paiement : le comportement des grandes entreprises encore pointé du doigt
C’est un jeu parfois dangereux que certains acteurs jouent en ce moment », a réagi Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. © Getty Images

Plus de 11,6 jours de retard, c’est la dernière estimation du délai moyen de paiement pratiqué par les entreprises au 2e trimestre 2022, selon le dernier baromètre réalisé par le cabinet Altares. « Pendant la crise, certaines entreprises se sont bien comportées. Mais finalement, aujourd’hui, les grandes structures ne payent pas mieux qu’au moment de la loi LME, c’est assez consternant », s’est ainsi désolée Jeanne-Marie Prost, Présidente de l’Observatoire des délais de paiement, lors des Assises des délais de paiement, organisées jeudi dernier dans les locaux du Medef. Une « dégradation structurelle » du comportement des grandes organisations confirmée par Gilles Lambert, Product marketing manager risk chez Altares. « Il y a 6 jours d’écart entre la petite entreprise (10,8 jours de retard) et la grande entreprise (16,7 jours de retard) au 2e trimestre 2022. C’est historique ».

Pourtant, « si toutes les entreprises étaient réglées parfaitement dans les délais, dans un monde idéal, les PME récupéreraient 12 Md€ et les ETI 4 Md€ », a estimé Jeanne-Marie Prost.

« C’est un jeu parfois dangereux que certains acteurs jouent en ce moment », a réagi Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. La représentante du gouvernement en a donc appelé à la responsabilité des acteurs économiques. « Les délais de paiement sont une forme de thermomètre de notre économie, les retards sont un fléau pour la trésorerie de nos PME. Elles peuvent conduire à des défaillances pour des entreprises qui sont pourtant viables ».

Les amendes publiées dans la presse quotidienne régionale

Attention, a tenu à rappeler la ministre, aux lourdes sanctions prononcées par la DGCCRF. « 141 entreprises ont reçu une amende d’un montant supérieur à 12 millions d’euros et 75 sont dans des procédures en cours ». Et pour dissuader les retardataires, Olivia Grégoire ne compte pas en rester là.

« J’ai poussé dans la loi Pacte, pour que nous allions plus loin que la publication des amendes sur le site de la DGCCRF et que ce soit également publié dans la PQR (presse quotidienne régionale). Je n’ai pas encore dit mon dernier mot. Cela permettrait de renflouer la trésorerie de la presse et aux PME de savoir beaucoup plus facilement quelles entreprises ont des pratiques irresponsables ».

Autre mesure pour aller plus loin, et déjà annoncée l’an dernier : « la banque de France va intégrer les délais de paiement des grandes entreprises et des ETI au cœur de la notation Fiben », a alerté la ministre. « Ces informations ne sont pas publiques. Elles sont uniquement accessibles aux acteurs financiers. Cela permettra d’ajuster la notation des mauvais payeurs. Si l’entreprise paye 10 jours au delà, une décote d’un cran de la cotation sera appliquée », précise-t-elle.

Les acteurs publics ne seront pas oubliés puisque la ministre assure que la Direction générale des finances publiques livrera en open data les délais de paiement moyens des collectivités, « Ce sera fait », a-t-elle assuré.

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Quid de la facturation électronique ?

Quid de la facturation électronique pour mieux respecter les délais ? « On peut espérer que la facturation électronique améliore les choses mais dans les grandes entreprises, elle est déjà développée », doute Jeanne-Marie Prost.

« L’impact au 1er juillet 2024 ? Une question ouverte », pour Gilles Lambert. « On a l’expérience positive de l’Italie qui a déjà généralisé la facture électronique et de Chorus pro. Mieux ce sera anticipé, plus les effets seront bénéfiques sur les retards », espère-t-il.

« Des efforts et de la solidarité », l’appel a enfin été lancé par les présidents des fédérations professionnelles. « Il y a un enjeu de souveraineté : les fournisseurs anticipent d’être mal ou pas payés. C’est donc une partie du tissu économique qui s’évapore à l’étranger », considère Nicolas Flouriou, président de l’Afdcc (Association française des credits managers et conseils). Un avis partagé par Charles Battista, président de la Figec (Fédération nationale de l’information d’entreprise, de la gestion de créances et de l’enquête civile). « Les retards de paiement accélèrent de 25 % la faillite des entreprises. En cette période difficile, traquer les mauvais payeurs permet de préserver la compétitivité de nos entreprises. Mais hors de question de stigmatiser : il faut distinguer entre ceux qui veulent et qui ne peuvent pas, et ceux qui peuvent et qui ne veulent pas ».

« On connaît l’effet domino des retards de paiement. Il y a une impérieuse nécessité de corriger les dérives et de sensibiliser les entreprises sur le fait que tirer sur les délais de règlement ce n’est certainement pas la bonne solution. Soyons plus que jamais attentifs », conclut Patrick Martin, Président Délégué du Medef.

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Leslie Brassac

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