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« Explosion » des saisines de la médiation des entreprises

Le médiateur des entreprises a présenté son bilan annuel pour 2023. Constatant l’explosion du nombre de demandes de médiation et de sollicitations, le médiateur s’est félicité que les acteurs économiques aient de plus en plus recours à la médiation.

« Explosion » des saisines de la médiation des entreprises
Entre 2020 et 2023, la médiation a plus que doublé : plus de 22 000 demandes de médiations et de sollicitations ont été enregistrées ces quatre dernières années, contre 10 400 sur la période allant de 2010 à 2019. © Getty Images

« Il y a eu un changement radical de comportement entre l’avant et l’après crise covid des acteurs avec lesquels nous travaillons. Face au choc que nous vivons aujourd’hui, de plus en plus de chefs d’entreprise estiment que la solution passe par le dialogue, par récréer la confiance. La solution peut et doit passer par la médiation. Cela commence à entrer dans les mœurs », se félicite Pierre Pelouzet, le médiateur des entreprises.

Entre 2020 et 2023, la médiation a plus que doublé : plus de 22 000 demandes de médiations et de sollicitations ont été enregistrées ces quatre dernières années, contre 10 400 sur la période allant de 2010 à 2019. « L’année 2023 a été marquée une nouvelle fois par un regain de tensions entre les acteurs économiques », constate le médiateur. En 2023, ce sont ainsi 4 300 sollicitations et demandes de médiation qui ont été reçues et traitées par le médiateur, soit 21 % de plus que l’année précédente et le double de 2019 (2 342).

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Les délais de paiement s’allongent…

En cause notamment, les conditions de paiement, et notamment les délais de paiement, qui constituent le premier motif de saisines. Avec 25 % des cas, cette problématique arrive ainsi en tête des dossiers traités en 2023. Si les délais de paiement avaient progressé avec 10 jours de retard en moyenne en 2019, la crise du covid a vu une « explosion » des retards de paiement à 15, 16 ou 17 jours en moyenne en 2020.

« Nous sommes redescendus à 12 jours en moyenne en 2021, 2022, 2023 mais nous ne sommes pas revenus au niveau de 2019. Malheureusement, non seulement cela ne baisse pas, mais, d’après les dernières indications, cela repart à la hausse, avec une légère dégradation, s’inquiète le médiateur, avec 12,7 jours de retard observés en moyenne. La bataille n’est pas perdue mais on est en train de toucher un plafond de verre ».

« Quasiment la moitié des entreprises en France ne paie pas selon la loi »

À ce titre, il signale qu’« un jour de retard c’est un milliard d’euros. Si je passe de 12 à 12,7 jours de retard c’est 700 millions que j’ai mis dans les caisses des grands comptes et que j’enlève des caisses des TPE-PME ». Dressant le constat que « quasiment la moitié des entreprises en France ne paie pas selon la loi », il reconnaît qu’il faut relancer le sujet : « Toutes les entreprises qui ont vécu le covid, ont vécu la flambée des matières premières, de l’énergie, subissent l’inflation et ont aujourd’hui une trésorerie qui est en train de diminuer, diminuer, diminuer. Et elles doivent rembourser un PGE. Tout cela fait qu’il y a des trésoreries très justes, très limitées, très difficiles pour un certain nombre de TPE-PME. Si en face vous avez un très grand compte public ou privé qui s’amuse à vous payer en retard, cela peut assez facilement vous mettre en difficulté voire en défaillance ».

Il espère que les mesures gouvernementales à venir, comme le doublement des pénalités, vont permettre de revenir à des niveaux plus raisonnables. De son côté, la médiation espère bien réussir à « faire comprendre à chaque maillon de la chaîne que son rôle a un impact. Que cette facture que vous allez garder sous le coude va peut-être tuer une entreprise à l’autre bout de la chaîne ; que ce bouton sur lequel vous n’avez pas appuyé, c’est peut-être une TPE qui va être en difficulté demain, que ce chantier que vous n’avez pas réceptionné en temps et en heure, c’est peut-être une entreprise du BTP qui va être en difficulté », énumère Pierre Pelouzet.

Sachant que près de 80 % des demandes proviennent des entreprises de moins de 25 salariés, il est indispensable pour le médiateur que les grandes entreprises et les grands acteurs publics regardent leur fonctionnement et mettent en place des « processus fluides », mais agissent également à titre individuel. « En médiation, on arrive à recréer le dialogue, à dire il faut trouver une solution immédiate parce que ce chef d’entreprise est en difficulté ».

Lire aussi Médiation des entreprises : « On se prépare à une recrudescence dans les mois à venir » (P. Pelouzet)

… et le prix de l’énergie inquiète

Outre des difficultés sur les baux commerciaux ou de nouveaux différends liés aux télécoms et aux contrats liés, ou encore des litiges concernant les réseaux sociaux, l’autre grand sujet de tension concerne les problématiques liées à la flambée des prix de l’énergie intervenue au 2e semestre 2022. L’explosion des prix de l’énergie a ainsi représenté 15 % des sollicitations.

« On essaie de créer un dialogue entre les petites entreprises et les fournisseurs d’énergie pour trouver le meilleur compromis »

« Toutes les entreprises qui se sont retrouvées à devoir renouveler leur contrat à ce moment-là se sont vues avec des contrats avec des prix multipliés par 3,4, 5, voire même plus et n’avaient pas d’autre choix que de signer, explique Pierre Pelouzet.  Aujourd’hui elles se retournent vers nous en nous demandant comment sortir de ces contrats alors qu’il y a des clauses de pénalité de sortie. On essaie de créer un dialogue entre ces petites entreprises et les fournisseurs d’énergie pour trouver le meilleur compromis ».

Et de citer par exemple « une sortie de contrat honorable avec un débit moins fort que prévu », « un étalement de la charge pour la rendre cohérente avec les finances de l’entreprise », soit en travaillant sur les détails du contrat et notamment les sujets d’heures creuses, heures pleines. La médiation, qui s’est enrichie de nouveaux dispositifs d’accompagnement, a notamment crée un comité de crise sur l’énergie qui a établi une « checklist énergie ».

Disponible sur le site economie.gouv.fr, elle liste « 10 questions à se poser sur son contrat et sa facture d’énergie », donnant aux entreprises un premier niveau d’information et des conseils sur leur contrat de fourniture d’énergie, les prix, les aides gouvernementales et la possibilité de recourir à la médiation en cas de différend avec un fournisseur.

Lire aussi Délais de paiement : « Chaque jour compte » (P. Pelouzet)

Charlotte de Saintignon

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