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Les PME et l'IA, je t’aime moi non plus

La table-ronde « Transition numérique et IA : où en sont les PME ? » organisée par l’AJPME a mis en lumière le rapport des PME au numérique et notamment à l’IA. Si la plupart des entreprises n’ont pas encore sauté le pas, certaines, plus précurseurs, se sont lancées et se félicitent que le numérique et l’IA boostent leur activité.

Les PME et l'IA, je t’aime moi non plus
Seulement 3 % des dirigeants TPE/PME utilisent les IA génératives régulièrement au sein de leur entreprise et 12 % de manière occasionnelle. © Getty Images

La révolution des IA génératives (IAG) n’a pas encore eu lieu dans les TPE/PME. Selon la dernière enquête menée par Bpifrance le Lab sur les PME et l’IA*, seulement 3 % des chefs d’entreprise les utilisent régulièrement au sein de leur entreprise et 12 % de manière occasionnelle. Pour Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, « il y a encore une distance très forte de la part des chefs d’entreprise ».

Si le secteur des services l’utilise à 24 % et le commerce à 11 %, a contrario, la construction ou les transports ne l’utilisent qu’à respectivement 4 et 5 %. 72 % des dirigeants n’utilisent pas ces outils par choix, dont 14 % ne souhaitent pas le faire et en ont même interdit l’usage.

Néanmoins, l’utilisation de ces outils peut être plus répandue qu’on ne le croit, selon Stéphane Amarsy, fondateur de the Next Mind, avec une utilisation « dans l’ombre ». Le risque de cette interdiction d’utiliser l’IA par les chefs d’entreprise étant en effet de développer un shadow IA, c’est-à-dire que les collaborateurs pourraient l’utiliser de manière masquée et non déclarée à leur supérieur, explique Elise Tissier.

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Des fonctions supports à la génération de formations

Les usages des IAG reste encore cantonnés aux fonctions supports (veille / communication / marketing). « Il y a peu d’usages plus poussés pour la prospection ou l’aide à la décision », poursuit-elle. Certains chefs d’entreprise les utilisent néanmoins de façon plus poussée. Philippe Mellinger, gestionnaire et directeur général du réseau de micro-crèches Carrousel et Câlins les utilise pour faire monter en compétences ses collaborateurs par la rédaction de formations.

En 2019, lorsqu’il a rejoint l’entreprise créée par son père où il n’existait même pas une base de données avec les mails des collaborateurs, il a d’abord entrepris de faire du numérique une plateforme de travail. Le numérique lui permet ainsi de piloter cette entreprise multi-sites composée de 22 structures gérées en propre dans l’Essonne, de gérer et coordonner les équipes à distance et l’ensemble des projets et tâches. Il a également mis en place « le besoin de renfort », qui permet aux salariés de se porter volontaire pour faire des remplacements.

L’IA permet aux professionnels de terrain de « casser des barrières si ils n’ont pas le niveau scolaire nécessaire et débloquer des verrous d’écriture »

Résultat, l’entreprise, qui dépensait 5 000 à 10 000 € dans l’intérim jusqu’alors, n’y a plus recours. De surcroît, elle ne rencontre plus aucune difficulté pour fidéliser ou recruter. Au-delà du pilotage de l’entreprise, Philippe Mellinger a créé un centre de formation, « la Carrousel Académie », avec une quarantaine de formations en ligne pour permettre à ses 125 collaborateurs de monter en compétences. Il les accompagne dans l’utilisation de l’IA pour que chacun puisse créer ou améliorer du contenu et des formations (sur la langue des signes, la gestion de comportements agressifs, etc.).

L’IA permet ainsi aux professionnels de terrain (auxiliaires petite enfance, de puériculture, éducateurs de jeunes enfants) de « casser des barrières si elles n’ont pas le niveau scolaire nécessaire pour écrire une formation et débloquer des verrous d’écriture. Elles peuvent ainsi évoluer et dépasser le fameux plafond de verre ». Pour aborder toutes les questions et sensibiliser ses collaborateurs sur le sujet, il a enfin monté « un comité Intelligence Artificielle et Automatisation ». En ce sens, le numérique est à la fois « un outil qui permet de connecter tout le monde et de capitaliser sur les connaissances » pour le chef d’entreprise.

Les Digiteurs, des conseillers numériques au service des chefs d’entreprise

De manière plus large, selon le baromètre France Num 2023, les PME ont une perception positive des bénéfices du numérique puisqu’elles sont 76 % à estimer que cela représente un « bénéfice réel ». Pour 39 % d’entre elles, il est identifié comme une source supplémentaire de chiffre d’affaires. Aussi, elles continuent d’investir dedans à hauteur d’au moins 1 000 € par an pour 40 % d’entre elles et 71 % ont l’intention de mener des projets numériques dans les deux prochaines années.

Parmi les principales appréhensions, celle de la perte ou du piratage des données pour 48 % des entreprises. Par crainte ou réticence, certaines tiennent néanmoins encore le numérique à l’écart. Ainsi, 58 % ne vendent pas en ligne car elles jugent que le numérique n’est pas pertinent pour leur métier ou leur secteur d’activité. Par contre, de plus en plus de dirigeants PME se tournent vers leurs réseaux professionnels pour se faire conseiller (36 %) plutôt qu’à leur réseaux personnels. Il peuvent par exemple solliciter les 150 conseillers numériques du réseau des Digiteurs.

Anissa Bestaoui, responsable numérique régionale chargée de piloter le réseau des Digiteurs, la marque numérique des CCI se réjouit d’ailleurs que les chefs d’entreprise aient « pris significativement le pas pour se lancer sans la réticence qu’il y avait auparavant. Il y a une réelle prise de conscience ». Première étape pour sauter le pas, les conseillers numériques, qui ont un rôle de consulting, aident le chef d’entreprise à construire un persona, ce client type ou client modèle propre à chaque entreprise pour établir sa stratégie de communication, savoir quels outils utiliser et sur quelles plateformes il doit investir pour trouver ses clients.

« Ils évaluent également la maturité numérique de l’entreprise pour établir un scoring et un plan d’actions », détaille Anissa Bestaoui. La plateforme Digiteurs.fr permet enfin d’orienter les entreprises vers des prestataires de confiance triés sur le volet par un comité de sélection. Les principaux freins identifiés par les Digiteurs ? Le budget et la compétence. « Il faut pouvoir identifier en interne quelqu’un qui aura la connaissance et le langage pour utiliser ces outils », confirme Anissa Bestaoui.

Lire aussi Où en sont les TPE/PME avec le numérique ?

*Une enquête en ligne menée auprès de 40 000 dirigeant(e)s de PME-TPE françaises de 10 à 249 salariés des secteurs marchands non agricoles et réalisant moins de 50 M€ de chiffre d’affaires, pour 3 077 réponses au total, dont 66 % de PME et 34 % de TPE. Enquête réalisée entre le 16 novembre 2023 et le 5 décembre 2023.

**L’échantillon est de 9 453 entreprises répondantes (contre 4 671 en 2022 et 2 796 en 2021), dont 6 110 TPE et 2 056 entreprises de zéro salarié, interrogées en ligne et par téléphone (740 entreprises) sur la période du 09/03/2023 au 07/04/2023.

Charlotte de Saintignon

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