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Loi en faveur de la reconstruction après les émeutes : que prévoit-elle ?

Le gouvernement est autorisé à agir par ordonnance, selon ce texte du 25 juillet qui doit permettre l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences ayant frappé des centaines de communes.

Loi en faveur de la reconstruction après les émeutes : que prévoit-elle ?
Dans plus de 500 communes, des centaines de bâtiments ont été endommagés ou détruits (écoles, bibliothèques, mairies, commerces…). © Getty Images

Adoptée à l’issue d’un parcours parlementaire express, marqué par le recours à la procédure accélérée, elle doit aboutir à un lancement rapide de travaux. La loi du 25 juillet relative à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des émeutes qui ont touché plusieurs centaines de communes entre le 27 juin et le 5 juillet, autorise le gouvernement à agir par ordonnance.

Déroger aux règles d’urbanisme…

Le texte rend possible la prise par ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter de sa promulgation, de mesures dérogatoires aux règles d’urbanisme (art. 1er). Objectif : permettre, pendant une durée limitée, d’accélérer ou de faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection des bâtiments affectés par les dégradations ou destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics lors des violences urbaines. Dans le détail, il s’agit :

  • d’autoriser la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées des bâtiments touchés, à condition que ces derniers aient été régulièrement édifiés, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement ;
  • d’autoriser l’engagement des opérations et travaux préliminaires dès le dépôt, selon le cas, de la demande de permis ou de la déclaration préalable requise ;
  • d’adapter les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme et, le cas échéant, des autorisations préalablement requises au titre d’autres législations ;
  • d’aménager les procédures d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme ainsi que les délais exigés par des dispositions législatives ;
  • de prévoir que, lorsque la consultation d’un organisme ou d’une autorité administrative ou l’obtention d’un accord ou d’une autorisation sont exigées, le silence gardé sur la demande d’avis, d’accord ou d’autorisation vaut soit avis favorable, soit décision d’acceptation.

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… des marchés publics…

En matière de commande publique, l’article 2 de la loi du 25 juillet permet au gouvernement de prendre par ordonnance, dans un délai de 2 mois à compter de la promulgation du texte, des mesures visant, durant un temps limité, à accélérer ou à faciliter les opérations de reconstruction ou de réfection. À cet égard, il accorde aux acheteurs publics le droit :

  • de conclure un marché ou des lots de marché sans obligation de publicité préalable, mais en procédant à une mise en concurrence, pour les marchés inférieurs à un seuil fixé par l’ordonnance  ;
  • de déroger au principe d’allotissement et de recourir aux marchés globaux.

Par principe en effet, les marchés publics doivent être allotis, c’est-à-dire passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l’identification de prestations distinctes (C. commande publ., art. L. 2113-10, al. 1er).

Une ordonnance du 26 juillet, publiée le lendemain au JO, met en œuvre les dispositions de l’article 2 de la loi. Elle permet aux acheteurs de négocier sans publicité mais avec mise en concurrence préalable les marchés de travaux soumis au code de la commande publique nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par des dégradations ou destructions et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 1,5 million d’euros hors taxes (art. 1er). Cette même règle est applicable aux lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros hors taxes, seulement dans l’hypothèse où le montant cumulé de ces lots ne dépasse pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Les marchés nécessaires à la reconstruction ou à la réfection mentionnés peuvent faire l’objet d’un marché unique, précise l’article 2 du texte.

L’ordonnance permet en outre aux acheteurs de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et des bâtiments mentionnés à l’article 1er, y compris si les conditions figurant à l’article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas satisfaites (motifs d’ordre technique ou engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage).

Le texte concerne les marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de son entrée en vigueur, soit le 28 juillet, et pendant un délai de 9 mois à compter de cette date.

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… et des finances publiques

Le volet budgétaire de la nouvelle loi crée la faculté pour le gouvernement de prendre par ordonnance, dans un délai de 3 mois à partir de la promulgation, des mesures conçues pour faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction commis par les émeutiers (art. 3). Il est ainsi possible de déterminer les modalités particulières de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au titre des dépenses éligibles au bénéfice des dispositions de l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales. Selon le I de ce dernier texte, les attributions ouvertes chaque année par la loi à partir des ressources du Fonds de compensation pour la TVA des collectivités territoriales visent à compenser la TVA acquittée par les collectivités et leurs groupements sur leurs dépenses d’investissement et leurs dépenses pour :

  • l’entretien des bâtiments publics et de la voirie ;
  • l’entretien des réseaux payés à compter du 1er janvier 2020 ;
  • la fourniture de certaines prestations de solutions relevant de l’informatique en nuage.

Le gouvernement peut en outre inscrire par ordonnance les modalités de dérogation à l’obligation de participation minimale figurant au premier alinéa du III de l’article L. 1111-10 du même code applicables au financement des projets d’investissement.

D’après ce dernier texte, hormis les collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, toute collectivité ou tout groupement, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement d’un tel projet.

Enfin, le gouvernement est libre de définir par ordonnance les modalités de dérogation au plafond des fonds de concours des communautés de communes, des communautés urbaines et des communautés d’agglomération.

Dans ce contexte, les fonds de concours désignent « le versement de subvention entre un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et ses communes membres afin de financer un équipement », expliquait en août 2018 le ministère de l’Intérieur, dans sa réponse à une question écrite d’une sénatrice.

Un projet de loi de ratification des diverses mesures prises par ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter de la publication de l’ordonnance au JO.

Timour Aggiouri

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