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Quel régime social pour les dividendes perçus par un indépendant via une société interposée ?

Les dividendes versés à la société détenue par un travailleur indépendant par la société où celui-ci exerce entrent dans l’assiette de ses cotisations sociales dès lors que ces dividendes constituent un revenu d’activité professionnelle.

Quel régime social pour les dividendes perçus par un indépendant via une société interposée ?
Les articles 10 ter et 10 nonies du PLFSS 2024, considéré comme adopté par les députés après le recours à l'article 49.3 de la Constitution, prévoient de réformer l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale dès 2025 pour les travailleurs indépendants et à compter de 2026 pour les non-salariés agricoles. © Getty Images

Dans un arrêt du 19 octobre 2023, la Cour de cassation vient préciser si les dividendes versés à une société détenue par un travailleur indépendant par la société où celui‑ci exerce son activité sont soumis ou non à cotisations sociales (Cass. 2e civ., 19 oct. 2023, n° 21‑20.366).

Les revenus distribués au travailleur indépendant sont soumis aux cotisations sociales…

L’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants inclut, pour ceux exerçant leur activité professionnelle dans le cadre d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), les dividendes et intérêts de comptes courants d’associés perçues par ces derniers pour la fraction excédant 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en comptes courants d’associés que ceux‑ci détiennent.

Les sommes à prendre en compte sont celles que le travailleur indépendant, son conjoint ou partenaire pacsé et ses enfants mineurs non émancipés ont perçues et détiennent (CSS, art. L 131‑6, III). Les dispositions précitées visent les revenus distribués au travailleur indépendant sans envisager l’hypothèse d’une distribution par interposition de personnes. Il en est de même des circulaires les commentant (Circ. RSI,14 févr. 2014 ; Circ. DSS n° 2010‑315, 18 août 2010).

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… y compris ceux versés par une SEL à la SPFPL détenue par un professionnel libéral

En l’espèce, un chirurgien‑dentiste exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) dont il détient directement 10 parts sociales. Les 990 parts restantes sont détenues par une société de participations financière de profession libérale (SPFPL) dont l’intéressé détient la totalité du capital social à parts égales avec son épouse.

La caisse autonome des chirurgiens‑dentistes et des sages‑femmes (CARCDSF) considère que les dividendes versés par la Selarl à la SPFPL entrent dans l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de l’assuré. Elle lui adresse en conséquence un appel complémentaire de cotisations au titre des années 2016 et 2017.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté le recours de l’intéressé contre sa caisse de retraite.

Il résulte de l’article L 131‑6, III du CSS que les bénéfices de la SEL au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette de ses cotisations sociales, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la SPFPL qui détient le capital de la SEL. La Cour de cassation rappelle les circonstances ayant conduit les juges d’appel à qualifier les dividendes de revenus d’activité professionnelle et non de revenus du patrimoine, à savoir :

  • le fait que l’intéressé soit le seul associé professionnel en exercice de la Selarl à générer des revenus permettant de constituer les dividendes versés à la SPFPL ;
  • le fait que celle‑ci soit détenue en totalité par l’intéressé et son conjoint. Il importe peu qu’au regard de la réglementation applicable, la SPFPL soit dotée d’une personnalité morale distincte et soit soumise à l’IS et non à l’impôt sur les revenus.

Cette décision est en accord avec la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. Celle-ci fonde l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants sur le lien entre les éléments retenus à titre de rémunération et l’activité professionnelle. Toute somme dont le travailleur indépendant ne bénéficie qu’en raison de son activité constitue un revenu d’activité indépendamment de sa forme ou de ses modalités de versement (Cass. 2e civ., 9 oct. 2014, n° 13-18.837 ; Cass. 2e civ., 22 sept. 2022, n° 20-10.733).

Une solution transposable à l’ensemble des travailleurs indépendants exerçant dans une société soumise de plein droit ou sur option à l’IS

La solution de l’arrêt du 19 octobre 2023 se fonde sur les dispositions de l’article L. 131-6, III du CSS auquel renvoie l’article D. 633-2 du CSS pour la cotisation d’assurance vieillesse des professionnels libéraux relevant de la Cnavpl. Cette solution a vocation à s’appliquer à l’ensemble des cotisations sociales calculées sur l’assiette définie à l’article L. 131-6 du CSS. Elle concerne également l’ensemble des travailleurs indépendants exerçant dans une société soumise de plein droit ou sur option à l’IS. La qualification de revenu professionnel repose, dans l’arrêt du 19 octobre 2023, sur le lien entre les dividendes versés par la SEL à la SPFPL et l’activité libérale du travailleur indépendant. Dans cet arrêt, ce lien est particulièrement évident : l’intéressé est le seul associé en activité de la SEL et il détient avec son épouse la totalité du capital de la SPLPF. On peut se demander dans quelle mesure les organismes de recouvrement et les juges feront usage de leur pouvoir de requalification face à des montages plus complexes.

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L’équipe NetPME 

 

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