Actu

PME de moins de 50 salariés : un syndicat représentatif peut désigner tout élu comme délégué syndical (DS)

Revirement de jurisprudence : dans une PME de moins de 50 salariés, un syndicat représentatif peut désigner tout élu comme délégué syndical, peu importe son étiquette syndicale lors des élections ou s'il a précédemment exercé des fonctions de représentant d'un autre syndicat.

PME de moins de 50 salariés : un syndicat représentatif peut désigner tout élu comme délégué syndical (DS)
Jusque-là, la Cour de cassation jugeait qu'un syndicat représentatif ne pouvait pas désigner comme DS un membre du CSE dont la candidature aux élections a été présentée par un autre syndicat et qui a démissionné de son précédent mandat syndical. © Getty Images

Dans les PME de moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs n’ont pas le choix : ils doivent forcément désigner un élu du CSE comme délégué syndical (DS) (C. trav., art. L. 2143-6).

Jusque-là, la Cour de cassation jugeait qu’un syndicat représentatif ne pouvait pas désigner comme délégué syndical un membre du CSE dont la candidature aux élections a été présentée par un autre syndicat et qui a démissionné de son précédent mandat syndical (Cass. soc., 2 nov 1994, n° 94-60.008). Il était toutefois autorisé de désigner un candidat libre (Cass. soc., 6 juill. 1999, n°98-60.329). Réinterrogée à ce sujet, la chambre sociale opère un revirement de jurisprudence au titre de la liberté syndicale, et autorise les syndicats représentatifs à choisir librement son délégué syndical parmi les élus du CSE.

Élection du CSE (Comité social et économique)
Passez à l’action :

Élection du CSE (Comité social et économique)

Désignation comme DS d’un élu présenté sur la liste d’un autre syndicat aux dernières élections professionnelles

Dans cette affaire, dans une PME de moins de 50 salariés, un salarié est élu au CSE sur une liste CFTC. Ce salarié est désigné comme délégué syndical, mais il démissionne de ce mandat syndical quelques mois plus tard, tout en restant membre du CSE. C’est alors que la CFDT le désigne comme son DS.

L’employeur conteste cette désignation, et celle-ci est annulée, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais le salarié et le syndicat contestent, arguant que c’est au seul syndicat désignataire d’apprécier si l’élu est en mesure d’accomplir sa mission. Et c’est la logique que retient la chambre sociale dans cet arrêt, modifiant ainsi sa jurisprudence en la matière.

Une évolution nécessaire de la jurisprudence au nom de la liberté syndicale

La Cour de cassation commence par rappeler les dispositions de l’article L. 2143-6 imposant la désignation d’un membre du CSE comme DS dans les entreprises de moins de 50 salariés. Celui-ci ne bénéficie pas d’heures de délégation supplémentaires pour ce mandat, mais peut utiliser son crédit d’heures d’élu dans ce cadre. L’article L. 2143-6 du code du travail vise en fait « les établissements de moins de 50 salariés », mais la Cour de cassation a précisé qu’un élu ne peut être désigné comme délégué syndical dans un établissement de moins de 50 salariés qui dépend d’une entreprise de plus de 50 salariés (Cass. soc., 29 avr. 2009, n° 08-60.484). Il s’agit donc bien des seules entreprises de moins de 50 salariés, avec la possibilité de désigner un DS pour chacun de ses établissements, le cas échéant, ce qui reste assez rare.

Puis, est rappelée la jurisprudence de la chambre sociale, interdisant la désignation d’un élu présenté par un autre syndicat. La Cour développe ensuite plusieurs arguments.

Nouvelles règles de représentativité

La chambre sociale se réfère à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ayant modifié les règles de représentativité des syndicats. Ainsi, dans les entreprises de 50 salariés et plus, « s’agissant de la condition d’un score personnel de 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndicat désignataire d’apprécier s’il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat » (Cass. soc., 17 avr. 2013, n° 12-22.699).

Ainsi, l’appartenance successive à plusieurs syndicats n’étant pas un obstacle à la désignation du salarié en qualité de DS dans les entreprises de 50 salariés et plus, il n’y a pas de raison que ce soit le cas dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Lire aussi Pour la désignation du RS au CSE, c’est l’effectif à la date des élections qui compte

Évolution récente de la jurisprudence sur la désignation des suppléants comme DS

La Cour évoque ensuite un autre revirement récent de sa jurisprudence en la matière. En effet, la chambre sociale « admet qu’un membre suppléant du comité social et économique disposant d’un crédit d’heures de délégation en application, soit des dispositions de l’article L. 2315-9 du code du travail (répartition des heures de délégation entre les membres du CSE, dont les suppléants), soit des clauses du protocole préélectoral tel que prévu à l’article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu’il remplace momentanément un membre titulaire en application des dispositions de l’article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en application d’un accord collectif dérogatoire au sens de l’article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué syndical » (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-21.269).

Ainsi, un élu suppléant peut désormais être désigné comme DS dans une entreprise de moins de 50 salariés, ce qui était auparavant interdit.

À noter, la Cour de cassation ne le détaille pas précisément, mais cette jurisprudence était liée à l’absence de crédit d’heures du suppléant. En effet, le DS désigné parmi les élus ne bénéficiant pas d’heures de délégation à ce titre, il ne pouvait donc pas exercer son mandat syndical sans utiliser les heures octroyées en tant qu’élu titulaire. La donne a changé depuis que les membres du CSE peuvent partager leurs heures de délégation en application de l’article L. 2315-9 du code du travail. Par ailleurs, cet argument des heures de délégation était également avancé pour interdire la désignation d’un élu d’une autre liste syndicale au motif que les salariés avaient voté pour ce syndicat, et qu’alors ce serait un autre syndicat qui en bénéficierait.

Dans son avis, publié avec la décision, l’avocate générale, souligne qu’il est possible d’utiliser son crédit d’heures pour un autre mandat, « peu importe alors que le salarié opte, en cours de mandat, pour un autre syndicat que celui pour lequel il s’est présenté à une fonction élective ». Cet argument est renforcé par l’exigence d’un « score personnel », dans les entreprises de 50 salariés et plus, le DS devant être désigné parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % à titre personnel dans son collège. D’autant, ajoute l’avocate générale, qu’il semble se vérifier que « particulièrement dans les petites entreprises, les salariés votent plutôt pour une personne que pour un syndicat ».

Importance de la négociation collective

Autre argument : « Le rôle désormais dévolu par le législateur à la négociation collective au sein des entreprises suppose que la désignation d’un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas subordonnée à des conditions inappropriées ».

Liberté syndicale

La Cour en conclut qu’il résulte de tous ces éléments « qu’il y a lieu de juger désormais qu’en application des dispositions de l’article L. 2143-6 du code du travail, dès lors qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndicat désignataire d’apprécier s’il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat ».

Le syndicat peut donc désigner cet élu, ancien DS d’un autre syndicat.

Lire aussi L’expertise du CSE sur l’accord de participation est à la charge de l’employeur

Séverine Baudoin

Laisser un commentaire

Suivant